Pour verdir la finance, il faut orienter les flux de capitaux vers des entreprises moins gourmandes en carbone. Ce qui est plus facile à dire qu’à faire, selon Pierre d’Agrain, président de l’association Toulouse Place Financière, qui organise des rencontres entre des professionnels du secteur et des chefs d’entreprise. Mais il sait quels sont les leviers à actionner.
« Les banques ne se soucient guère de l’écologie », déplore Pierre d’Agrain, président de l’association Toulouse Place Financière, qui organise des rencontres entre des professionnels du secteur et des chefs d’entreprise. D’après la dernière enquête annuelle de l’institut Ipsos sur la finance responsable, plus de neuf Français sur dix possédant un produit d’épargne ne se sont jamais vu proposer par leur conseiller bancaire d’Investissements socialement responsables (ISR), qui désignent « des placements visant à concilier performance économique et impact social et environnemental ». Ils sont pourtant aujourd’hui 63 % à déclarer leur accorder de l’importance dans leurs arbitrages, contre 48 % en 2017.
Le retard à l’allumage de la finance verte, Pierre d’Agrain le constate ailleurs : « Il n’y a pas une prise en compte suffisante du sujet chez les acteurs du capital investissement », c’est-à-dire ceux qui consacrent une partie de leurs fonds au développement ou au rachat de sociétés pour les faire croître, les transmettre ou les redresser. Ils semblent pourtant de bonne volonté : selon une enquête du cabinet d’audit PWC, 95 % d’entre eux déclarent avoir mis en place ou être en cours d’intégration de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans leurs pratiques.
« Mais cela reste un guide de bonne conduite et il n’existe pas de contrainte réglementaire », fait remarquer le président de Toulouse Place Financière. De même, il indique que si les entreprises cotées au CAC 40 ont pour obligation de présenter un bilan annuel de leur démarche RSE (Responsabilité sociale, sociétale et environnementale), celui-ci ne portera pas pour autant à conséquence.
« Il n’y aura pas de finance verte sans fiscalité verte », prévient Pierre d’Agrain. Pour orienter les flux de capitaux vers une économie moins gourmande en énergie fossile, il préconise d’actionner les leviers les plus courants : « Cela peut passer par la TVA, dont le taux dépendrait du bilan carbone du bien que l’on achète, ce qui privilégierait les circuits courts. On pourrait aussi baisser l’impôt sur les sociétés pour les entreprises les plus vertes. Ou augmenter les crédits d’impôt aux particuliers, par exemple ceux qui isolent leur logement ou investissent dans des équipements photovoltaïques. » L’instauration d’une taxe carbone est également envisageable.
Tout comme la fixation réglementaire du prix du CO², qui est pour l’instant laissé à l’appréciation des marchés financiers. Un outil efficace pour compenser les coûts des dommages causés par les émissions de gaz à effet de serre. « Tout est question de régulation et de volonté politique à l’échelle européenne. La nouvelle présidente de la commission, Ursula Von der Leyden, semble en avoir », se réjouit l’expert.
Biographie de Pierre d’Agrain
Président de l’association Toulouse Place financière, qui met en relation des spécialistes du secteur avec des chefs d’entreprise, il est également associé au réseau de cabinets d’expertise comptable Exco.
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