Burn out, brown out, bore out, job strain… La langue de Shakespeare semble être la plus inventive à l’heure d’exprimer un mal-être au travail qui peut entraîner des troubles psychiques, voire une maladie professionnelle. Les Français n’échappent pas à ce “nouveau mal du siècle” : une enquête commandée par le ministère du Travail et publiée en septembre dernier montre qu’un salarié sur dix vit une situation très délétère pour sa santé mentale au sein de son entreprise. Le JT a consulté ceux qui aident les victimes du boulot-compresseur à se relever.
32 282 cas de pathologies psychiques en lien avec le travail ont été recensés, entre 2001 et 2016, par le Réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles (RNV3P). Burn out, brown out, bore out… Les anglicismes désignant les syndromes d’épuisement, de perte de sens ou d’ennui à son poste se multiplient, comme le nombre de leurs victimes. La Caisse primaire d’assurance maladie relevait, en 2016, sept fois plus de cas reconnus comme maladies professionnelles que cinq ans plus tôt. Pourtant, ces néologismes sont à manier avec précaution et ne reposent pas toujours sur « un véritable fondement médical et scientifique », selon Valérie Langevin, psychologue du travail et experte à l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS).
« Un syndrome qui peut évoluer vers des maladies psychiques »
« Le burn out n’est pas considéré comme une maladie. C’est un ensemble de symptômes lié aux conditions d’exercice de son métier. Un syndrome qui peut, dans certains cas, évoluer vers des maladies psychiques répertoriées comme la dépression, les troubles anxieux généralisés ou le stress post-traumatique », précise-t-elle en rappelant que ces troubles épuisent également l’organisme.
On peut donc se tuer à la tâche. Ou, au moins, y perdre son équilibre mental. « L’organisation du travail est un facteur de risques qui a un impact sur la santé mentale, indépendamment de prédisposions individuelles », prévient d’emblée Sarah Memmi sociologue pour le compte de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques. Elle s’est particulièrement intéressée aux risques psychosociaux professionnels, ces éléments caractéristiques de l’environnement de travail susceptibles de porter atteinte à la santé psychique des salariés. Regroupés dans six grandes catégories, ils peuvent être liés au rythme imposé, à l’exigence de contrôler ses émotions, à l’absence d’autonomie, aux relations entre collègues, aux conflits de valeurs ou à l’insécurité économique.
« C’est plus une question organisationnelle que de prédisposition des personnes »
« Globalement, les expositions physiques comme la position debout ou les charges lourdes ont diminué depuis 1994. Mais, dans le même temps, nous constatons que les expositions aux contraintes organisationnelles se maintiennent à un niveau élevé depuis 2010. L’intensité du travail a augmenté depuis 20 ans, même si elle s’est stabilisée entre 2010 et 2017, alors que les marges de manœuvre favorisant l’autonomie des salariés sont en recul », alerte la sociologue. Une conséquence, selon elle, de la crise de 2008 qui, par de nombreuses et profondes restructurations d’entreprises, a détérioré de manière significative les conditions de travail.
Toutefois, des affaires très médiatisées, comme celle des suicides chez France Télécom, ont favorisé la reconnaissance de la relation entre le travail et certains troubles psychiques. Et, s’il n’existe pas encore de « tableau de maladie professionnelle » qui recense officiellement les critères à prendre en compte, les médecins peuvent, s’ils établissent « un lien direct et essentiel » entre la pathologie et l’activité exercée, faire valoir le caractère professionnel de ces maladies. Ils le font d’ailleurs un peu plus souvent chaque année.
Le Journal Toulousain
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