Hors d’usage ou simplement désuets, que deviennent les milliers d’ordinateurs délaissés par des entreprises comme Airbus ? Justement créé avec le soutien de l’avionneur, le groupe Envoi, fleuron local de l’économie sociale et solidaire, œuvre depuis plus de 20 ans à prolonger leur vie.
®Franck AlixDans une partie de l’immense hangar du groupe Envoi à Colomiers, Pierre et Mounir s’attellent à un véritable travail de fourmi. Chacun, à son établi, démantèle des ordinateurs, pièce par pièce, avant de répartir les composants dans de grands sacs de toile déjà bien remplis. Cartes mères, disques durs, éléments en plastique (coques, claviers…), alimentations ou encore batteries, selon qu’elles contiennent du plomb ou du lithium, ont chacun le leur. En cas de doute, fer et aluminium sont, eux, distingués à l’aide d’un aimant. Dans un coin, plusieurs centaines de machines sous cellophane attendent leur tour, donnant une idée décourageante du travail restant à accomplir. « Cela ne s’arrête jamais, mais c’est assez rapide », rassure Pierre. « Pour désosser un ordinateur, il nous faut une dizaine de minutes. À cette étape de la chaîne, nous n’avons pas réellement besoin de faire dans la dentelle. »
« 80 % du parc informatique est recyclable »
Si une grande partie des cent tonnes d’équipements électriques et électroniques collectées chaque année par Envoi est reconditionnée pour lui offrir une seconde vie, celles qui passent entre les mains de Pierre et Mounir sont en effets considérées comme des déchets. Qui ne sont pas pour autant jetés. « 80 % du parc informatique est recyclable. Les sacs que vous voyez sont ensuite acheminés vers des entreprises affiliées au même organisme que le nôtre, qui extraient les matières premières. Avec une tonne de circuits imprimés, on peut par exemple récolter 200 grammes d’or », illustre Jean-Charles Devèze, responsable de prestations au sein d’Envoi.
L’association a vu le jour en 1996 avec le soutien d’Airbus et de la mairie de Toulouse. « Une manière de faire profiter les habitants des quartiers dits sensibles de la manne de l’aéronautique », rappelle Jean-Charles Devèze. « Cela a commencé par l’informatique. Il s’agissait alors de s’occuper de la gestion des milliers d’ordinateurs d’Airbus, qui reste notre partenaire principal. » Aujourd’hui, le groupe est composé de deux entités (Envoi Hands, dans le secteur adapté, et Envoi Ops, dans celui de l’insertion). Il emploie 120 personnes assurant la sous-traitance dans plusieurs domaines d’activité : support administratif, relève de compteurs, essais au sol dans l’aéronautique…
Pour le responsable du site, si le recyclage informatique est désormais bien organisé en France, ce sont les 50 000 tonnes d’équipements dormant dans les placards des entreprises qui constituent un enjeu majeur. Pour faciliter leur collecte, Envoi a récemment développé le Weee Cart, un chariot connecté mis à disposition des sociétés. Une fois remplis, un scan du QR code permet d’alerter les équipes d’Envoi pour les récupérer. « Nous vérifions toujours s’il y a des choses qui peuvent être sauvées, mais, en général, le contenu des chariots part aux déchets », explique Abdellah Kaddouri, responsable technicien informatique, tout en se dirigeant de l’autre côté du hangar. Là, se trouve le matériel destiné à être réutilisé.
Dans cet espace, chaque produit est audité, nettoyé et reconditionné. Dans l’atelier test, un autre Pierre formate en même temps trois disques durs grâce à un logiciel spécifique. « J’efface toutes les données des ordinateurs », s’amuse-t-il. Ensuite, ils repartiront soit chez Airbus, soit directement chez le loueur avec lequel ils travaillent. » 25 000 PC sont ainsi traités chaque année. Dans une salle attenante, Zitoun, tel un chirurgien, est en train d’opérer à cœur ouvert un immense écran digital provenant lui aussi du géant de l’aéronautique.
« Les constructeurs ne veulent pas que l’on utilise longtemps leurs produits »
« Là, on est dans la précision. Ce travail nécessite des outils spécifiques. Cela reste le principal problème de l’informatique. Les constructeurs ne veulent pas que l’on utilise longtemps leurs produits ni que l’on puisse les réparer facilement », déplore Abdellah Kaddouri. Pour appuyer ses propos, le responsable montre cinq grands cartons remplis de chargeurs de batterie triés selon leur puissance. Tous de la même marque : « À chaque nouveau modèle, tout change. C’est un frein immense au réemploi et à la réduction des déchets. »
« À chaque nouveau modèle, tout change. C’est un frein immense au réemploi »
La visite s’achève à la boutique, qui occupe un petit espace du bâtiment. Envoi rachète en effet une partie du matériel auquel il redonne vie. 2000 PC portables ou de bureaux sont ainsi vendus chaque année. Des machines trois fois moins chères que le neuf et reconditionnées de manière à durer une dizaine d’années. De quoi repartir pour une boucle.
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