L’aéronautique est un secteur dans lequel l’écoconception a toujours eu une place centrale. Aujourd’hui, elle devient une priorité, comme l’explique Emmanuel Bénard, professeur d’écodesign à l’ISAE-SUPAERO.
Aérodynamique, propulsion ou masse de l’aéronef, la recherche d’efficacité est dans la nature même du secteur aéronautique : « En ce sens, nous pouvons dire que l’écoconception y existe depuis ses débuts. L’idée est de toujours voler mieux et moins cher », commence Emmanuel Bénard, enseignant-chercheur à l’Isae-Supaero, l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace. Il explique ainsi qu’avant même la prise de conscience de l’urgence climatique, des modèles comme le Concorde ont été mis sur la touche parce que leur facture énergétique était trop élevée. Mais alors que les consommations de carburant ont considérablement diminué ces 30 dernières années, « en ce qui concerne l’aérodynamisme, c’est plus délicat. » « Nous devons nous battre pour gagner quelques dixièmes de pour cent de traînée sur un avion », précise le spécialiste.
Alors, les chercheurs multiplient les pistes. Et se tournent par exemple vers l’aérologie pour tenter d’extraire l’énergie de l’air environnant grâce aux ascendances dynamiques. Ils étudient la faisabilité de vols en formation, c’est à dire de plusieurs avions proches les uns des autres. Une solution plus frugale mais très dangereuse, « dans un secteur qui ne transige jamais avec la sécurité, qu’il s’agisse ou non d’écoconception ». Capable de parcourir des centaines de kilomètres par jour, le vol de l’albatros fascine également. Pour sa thèse, l’un des étudiants d’Emmanuel Bénard a créé un espace de simulation du vol de ces immenses oiseaux planeurs. « Le monde du vivant est notre première source d’inspiration », rappelle l’enseignant-chercheur.
Les élèves ingénieurs de l’Isae-Supaero font leurs armes sur des drones, ce qui leur permet d’aborder leur discipline de manière globale : « Système de propulsion, de contrôle, structure physique, matériaux, mécanique du vol… Autant d’éléments essentiels à l’étude du cycle de vie d’une machine plus complexe comme un avion de transport. » Une formation à l’écoconception qui prend forme à travers des projets comme celui du petit avion électrique d’Airbus, E-fan, dans lequel l’Isae-Supaero est partie prenante. Ou celui d’ Euroglider, le premier biplace à propulsion électrique présenté par l’école au dernier Salon du Bourget. Le campus toulousain soutient également plusieurs start-up afin de mettre au point des engins électriques légers à décollage et atterrissage verticaux. Baptisés ‘’convertibles’’, ils ont vocation à devenir des moyens de déplacement volants intra-urbains.
Pour compléter le tableau, il reste à mieux prendre en compte la fin de vie des appareils, sachant qu’entre 6 000 et 8 500 avions de ligne seront mis hors service dans les 20 prochaines années et que la réglementation européenne oblige à les démonter et à les recycler. Le professeur déplore que cette problématique soit absente du programme d’une première année d’école d’ingénieur. « C’est encore un chantier de sensibilisation et de formation de longue haleine », estime Emmanuel Bénard.
Professeur d’aircraft design à l’Isae-Supaero, Emmanuel Bénard est également animateur de la recherche au sein de la chaire Cedar (Chaire eco design of aiRcraft), sponsorisée par Airbus.
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