DYNAMISME. Créations, transmissions ou reprises par des salariés, les sociétés coopératives séduisent de plus en plus. Muriel Decout, directrice de l’Union régionale des Scop Midi-Pyrénées, nous explique pourquoi.
Muriel Decout, le modèle coopératif a connu un vif succès en 2015 dans notre région. Quel en est le bilan chiffré ?
Nous avons enregistré 29 nouvelles entreprises adhérentes sur 2015, ce qui reste dans la tendance des trois dernières années. Ainsi, sur l’année dernière, 140 emplois ont été créés ou sauvegardés. Nous souhaitons aller encore plus loin bien sûr, mais nous sommes plutôt satisfaits de la moyenne qui se stabilise depuis quelques années. Pour 2016, nous espérons accompagner une dizaine de projets supplémentaires.
Comment expliquez-vous cet engouement pour les sociétés coopératives ?
D’abord, depuis la crise financière de 2008, de plus en plus de personnes sont sensibles à la création d’activités économiques durables et viables, plus qu’aux résultats financiers rapides. Le modèle Scop, centré sur la transmission d’outils de travail d’une génération à l’autre, répond bien à ces préoccupations. Ensuite, le critère générationnel a son importance, car les jeunes sont réceptifs au management participatif. Pour finir, la communication de l’Urscop a évolué. Pendant longtemps, le mouvement Scop ne communiquait pas du tout. Aujourd’hui, nous tentons de nous ouvrir et de nous faire connaître au plus grand nombre pour que l’on parle de nous de manière constructive. Nous mettons l’accent sur des transmissions saines, des créations, voire des reprises à la barre du tribunal sur des projets viables. Le modèle Scop n’est pas un statut à solliciter uniquement quand plus rien d’autre n’est possible.
Vous arrivent-ils d’ailleurs de refuser d’accompagner des projets lorsqu’ils ne sont pas assurément viables ?
Bien sûr, notamment parce que lorsque l’on reprend ou que l’on crée une Scop, on y investit une partie de ses économies, et que c’est son emploi qui est en jeu. Nous avons donc une responsabilité à n’accompagner que les projets dans lesquels nous pensons qu’il existe de bonne chance de réussite. Si économiquement, le projet ne peut pas tenir la route, nous ne suivons pas et nous expliquons pourquoi. De même, si les porteurs de projets ne croient pas au modèle coopératif, nous les dissuadons de créer une Scop, car ce sont des échecs annoncés.
Un public particulier se tourne-t-il plus facilement vers les Scop ?
Nous recensons une grande diversité, mais leur point commun reste la passion de leur métier. De même, ils croient au travail en équipe. Il ne faut pas avoir peur de l’engagement, car les salariés-associés sont très impliqués, il faut vouloir travailler en collectif et avoir le sens de l’ouverture et du partage, au sein même de l’entreprise, mais aussi avec l’environnement.
« La transmission d’outils de travail d’une génération à l’autre »
Quels sont les avantages et inconvénients des Scops ?
En ce qui concerne les avantages, la gouvernance démocratique en est un premier. De même, toute l’équipe étant impliquée, tous les salariés œuvrent dans le même sens. Le partage des bénéfices de manière équitable entre ce qui reste dans l’entreprise pour pérenniser l’outil de travail et ce qui est réparti entre les salariés-associés est également un point positif. Enfin, comme les réserves ne sont jamais distribuées, cela crée un socle de fonds propres et rend les entreprises extrêmement pérennes.
En revanche, la principale contrainte des Scops est qu’elles ne se revendent pas, il est donc impossible de compter sur une plus-value à terme. À partir d’une certaine taille, les Scops ont donc plus de mal que d’autres à faire de gros tours de table pour financer du développement parce que les organismes financiers traditionnels s’engagent essentiellement sur l’idée de la plus-value. Des solutions alternatives existent, mais elles sont plus difficiles à mettre en place.
Le modèle des Scops est encore peu connu. Comment le démocratiser ?
Il faut renforcer notre communication en menant des interventions dans les lycées et les écoles en général, car la plupart des étudiants en fin de cursus n’ont jamais entendu parler de ce statut. Nous devons aussi être plus présents dans les organisations professionnelles traditionnelles ; pour preuve, notre développement est important dans le Tarn parce que beaucoup de dirigeants de Scops sont au Conseil d’administration de la Chambre des métiers et promeuvent ainsi le modèle… d’autant qu’il garantit la création d’emplois non délocalisables.
Alors, quel est le rôle de l’Urscop ?
Nous sommes une association de 200 dirigeants d’entreprises et 1 200 salariés qui recevons plusieurs centaines de projets par an, accompagnons les porteurs de projets à bâtir leur coopérative, mais aussi tout au long de la vie de leur entreprise, que ce soit dans les moments de développement ou dans les périodes plus difficiles.
Midi-Pyrénées est-elle une région particulièrement dynamique en matière d’entreprises coopératives?
Effectivement, notre territoire, au vu de sa taille et du tissu économique déjà existant, est un terrain plus fertile. D’abord parce que notre Conseil régional soutient nos démarches. Ensuite, parce que nous avons un historique particulier qui peut expliquer cette dynamique, car nous sommes sur les terres de Jean Jaurès où il existe une culture de la coopérative : la première notion de coopérative était des mines en Ariège au XIIe siècle.
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