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IMMOBILIER. Les promoteurs dénonçaient un nombre important de permis de construire bloqué par des recours abusifs. La loi pour la croissance d’Emmanuel Macron semble pouvoir y remédier… du moins en partie. Pierre Aoun, directeur général adjoint de LP Promotion, revient sur les conséquences en Midi-Pyrénées.
Pierre Aoun, les promoteurs immobiliers sont en colère face à de nombreux recours jugés abusifs qui bloquent les permis de construire et donc les constructions de logements. Quel volume cela représente-t-il ?
Au niveau national, une demi-année de production de logements est actuellement bloquée. Sur l’agglomération toulousaine, sur 5 500 projets de logements annuels en cours, 3 000 sont au point mort. En matière d’emploi, cela représente 6 000 emplois directs et indirects, non délocalisables, bloqués par les recours abusifs. Nous parlons là de 500 000 € de manque à gagner, de chiffre d’affaires non effectif.
De qui émanent ces recours qualifiés d’abusifs et quelles en sont les raisons invoquées ?
Les projets immobiliers sont réalisés de plus en plus en concertation avec les riverains et les collectivités. En règle générale, nous n’avons aucun problème de bonne foi de la part de ces derniers, mais, parfois, certains particuliers, sans aucun intérêt véritable, déposent des recours. Leur but est là purement mercantile : ils bloquent ainsi une opération, des emplois en monnayant ensuite le retrait de la procédure qui peut durer trois ou quatre ans. Un vide juridique leur permet de se livrer à ce chantage, car, même si la majorité des recours sont, au final, gagnés par les promoteurs, les délais d’instruction sont tellement longs que ces derniers préfèrent souvent payer pour écourter les procédures judiciaires et pouvoir lancer leur projet. C’est cette longueur qui donne de la force aux requérants qui ne sont souvent pas dans son bon droit démocratique et qui abusent. Chez LP Promotion, nous avons actuellement quatre ou cinq dossiers en recours. En moyenne, 20 à 30 % de la production est victime de recours et la majorité sont abusifs.
Et concernant les raisons invoquées, elles sont aussi saugrenues que les recours en eux-mêmes puisqu’on parle généralement de gêne au voisinage, de nuisance sur une espèce endémique qui se situe dans l’arbre attenant à la parcelle… Ce qui explique que le promoteur gagne de manière quasi systématique, les arguments ne sont pas recevables.
La loi Macron sur la croissance permet-elle de remédier à la situation ?
Elle vient compléter des mesures prises en juillet 2013, en recentrant la procédure d’action en démolition sur certaines zones sensibles. Je m’explique : les promoteurs ne construisent pas lors d’un recours, car les banquiers et notaires ne suivent plus, la procédure prévoyant la démolition de l’immeuble si le promoteur venait à perdre le recours. Cette épée de Damoclès qui reste pourtant infiniment mince – c’est arrivé quatre fois sur les 50 dernières années – suffit à faire reculer les partenaires financiers. La loi Macron annihile les actions en démolition dans certaines zones pour les remplacer par des sanctions financières en cas de perte du procès, ce qui permet ainsi aux promoteurs de s’assurer contre les amendes et ainsi limiter le risque pour les banques et les notaires. Alors, les opérations peuvent continuer et rien n’est bloqué.
« 20 à 30 % de la production est victime de recours et la majorité sont abusifs »
Cette annihilation n’est-elle valable que pour les recours abusifs, sinon cela signifierait que les recours recevables n’auraient aucune chance d’aboutir ?
Si un permis de construire est déposé et accepté par l’administration, cela atteste de la légalité et la conformité du projet, même si un recours intervient par la suite. Ainsi, toutes les éventualités ont normalement été étudiées avant le dépôt. Ensuite, ce sont les assureurs qui garantiront une équité, car aucun d’entre eux ne couvrira une opération dont il pense qu’elle peut ne pas voir le jour.
La loi Macron suffit-elle à juguler ces recours abusifs ?
Elle prend le bon chemin, mais nous demandons également à ce que les délais de traitement des recours soient plus courts, ainsi les recours réels pourraient se faire, mais les promoteurs ne seraient pas pieds et poings liés devant les ceux qui s’avèreraient abusifs. Un jugement qui pourrait être rendu en six mois limiterait le nombre de recours et surtout de maîtres chanteurs : les promoteurs pouvant patienter six mois, ils ne paieront plus. De même, le requérant qui peut ensuite être poursuivi, rappelons-le, sera découragé si le procès prend fin dans un délai de quelques mois.
Vous évoquiez le blocage de 3 000 logements et 6 000 emplois. Si le gouvernement accède à vos requêtes et vous prémunit des recours abusifs, la profession s’engage-t-elle à créer ces emplois et construire ces logements ?
Non parce que ces chiffres ont été avancés pour concrétiser l’effet de blocage et donner un ordre d’idées de l’impact de ces recours abusifs. Certains projets qui en sont en début de procédure vont finir par voir le jour et donc générer de l’emploi, mais nous ne pouvons pas encore les quantifier.
La limitation des recours devrait donc redynamiser le marché de la construction immobilière…
Le gouvernement a pris conscience des conséquences des recours abusifs, de notre problématique, cependant les recours continuent à affluer, ce qui signifie que la loi Macron n’est pas suffisante. Il est nécessaire de revoir impérativement les délais d’instruction comme vu ci-dessus, sinon l’impact sera limité.
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