Indépendance. Faisant partie intégrante de l’histoire de Toulouse, la librairie Privat a pourtant connu maintes transformations depuis un siècle et demi d’existence. Passée entre plusieurs mains, plus ou moins heureuses, elle cherche un nouveau souffle.
La librairie Privat avait occupé les colonnes médiatiques l’année dernière, lorsque le groupe Chapitre avait annoncé sa mise en liquidation judiciaire mettant en péril son réseau de librairies auquel figurait la boutique toulousaine. Reprise par Benoit Bougerol, déjà propriétaire de la Maison du livre à Rodez, la librairie centenaire connaît aujourd’hui un nouvel essor. Fondée en 1839 par Edouard Privat, la librairie du même nom trouve rapidement sa place dans le paysage toulousain, rue Sainte Ursule, et reste aux mains de la dynastie Privat durant plusieurs générations. En 1903, la boutique s’installe rue des Arts et se développe – donnant naissance aux Editions Privat – jusqu’aux années 1980, où elle connaît de graves difficultés économiques ; en 1988, elle est vendue aux Editions Bordas. Mais au début de 1990, l’entreprise est démantelée, Pierre Fabre rachetant les éditions, la librairie étant cédée à François d’Esneval. Ce dernier érige un réseau de plusieurs boutiques qu’il finira par vendre, en 2008, au groupe France Loisirs, également propriétaire du site internet Chapitre.com. « Ils ont alors regroupé et rebaptisé toutes les librairies, dont Privat, du nom de Chapitre. C’est cette finale uniformisation qui a causé sa chute», explique Benoit Bougerol, actuel propriétaire qui a repris son indépendance et son nom de jeune fille. Le chiffre d’affaire s’est effondré de 40% en cinq ans : « dans les années 1990, la librairie atteignait les 5 millions d’euros de CA, puis il est tombé à moins de 4 millions lors du rachat de Chapitre, pour n’être que de 2.4 millions en 2012 », constate le libraire.
« Ce sont les Toulousains qui nous sauveront »
« Lorsque j’ai repris le commerce menacé de fermeture, en 2013, j’ai rapidement identifié les problèmes, nous faisions trop peu de CA par rapport à la surface », précise Benoit Bougerol. Le rez-de-chaussée a alors été entièrement remodelé, accueillant la littérature et les bandes dessinées . « Dès lors, nous avons enregistré une progression de 30% » rajoute-t-il. Son projet a permis le maintien de 14 emplois, la création d’un poste de comptable et l’accueil d’un apprenti libraire. Aujourd’hui, le CA est enfin stabilisé à 2.3 millions d’euros. Pour le nouveau patron, « le défi est relevé mais il est loin d’être gagné ! » Car tout ne s’est pas déroulé comme prévu. « Les précédents propriétaires n’avaient pas fait la mise aux normes de sécurité, l’installation électrique est à refaire entièrement et la climatisation, mal entretenue, nous a lâché », déplore le libraire. Autant d’investissements supplémentaires, « une centaine de milliers d’euros », auxquels Privat doit faire face. D’autant que l’université Paul Sabatier n’a pas renouvelé son marché étudiant préférant une librairie lyonnaise, « et je ne m’y attendais pas du tout ! » confie-t-il abasourdi. Mais il ne se laisse pas désarçonner : « la chute a été tellement forte qu’il n’est pas fou d’envisager un retour au niveau de CA de 2008 », analyse Benoit Bougerol. Sachant que la pression des emprunts à rembourser sera forte, les travaux importants mais que le marché du livre se redresse, le libraire pense être à l’équilibre d’ici un an. « Nous avons développé la bonne stratégie mais ce sont les Toulousains qui nous sauveront en revenant vers les livres et en choisissant le commerce de proximité pour distributeur », lance-t-il comme un appel.
Commentaires