DIY. Le “Do it yourself” (fais-le toi-même) prend de plus en plus de place dans notre quotidien. Partout en France, et particulièrement à Toulouse, des lieux de mutualisation d’outils émergent pour répondre à cette tendance. Après la rédaction d’une thèse sur les fablabs, Camille Bosqué décrypte ce qui pourrait être une révolution sociétale.
Si les bricoleurs du XXIe siècle poussent la porte des fablabs, c’est avant tout parce que ces lieux répondent à des demandes modernes. « Cela peut être en réponse à la crise, par nécessité financière », explique Camille Bosqué puisqu’ils permettent de fabriquer ou réparer un appareil plutôt que d’en acheter un neuf souvent plus onéreux. Ceux qui s’opposent à une consommation à outrance y trouvent également leur compte : faire du sur-mesure et ne pas dépendre d’un système économique où l’on ne maitrise rien. «Une manière aussi de reprendre son quotidien en main», explique la spécialiste. Une importante partie de la population peut donc potentiellement être intéressée par ce concept. Camille Bosqué détaille: «des jeunes, des retraités, des ingénieurs, des enseignants venus par intérêt écologique, économique, pédagogique, créatif ou encore technologique». Elle nuance tout de même : « le reproche que l’on fait souvent est que les utilisateurs sont majoritairement masculins. C’est à cause des idées reçues selon lesquelles la technologie et la technique seraient réservées aux hommes. Mais c’est en train de changer: les étudiants en art et en design sont de plus en plus nombreux, une population plus souvent féminine». Au-delà du grand public, de plus en plus d’entreprises voient les fablabs comme des lieux « créateurs de valeurs économiques». Des sociétés de téléphonie, des constructeurs automobiles, des enseignes de bricolage surfent sur le succès du mouvement. Quel est leur intérêt? «C’est un moyen facile de croiser innovation et lien social», répond l’experte. «Pour un ingénieur, par exemple, cela permet de rentrer très rapidement en phase de prototypage, sans avoir à mettre en place tout un protocole de développement ». Une solution pour contourner la lourdeur administrative imposée par les sociétés et agir plus spontanément. «Cela s’appelle l’intraprenariat: devenir entrepreneur dans sa propre entreprise» explique-t-elle.
Croiser innovation et lien social
Ces nouveaux espaces se développent donc et séduisent de plus en plus d’utilisateurs mais, pour Camille Bosqué, nous ne pouvons pas encore parler de l’avènement d’un modèle qui va se démocratiser. L’idée d’installer un fablab au coin de chaque rue et que chacun passe ses dimanches à jouer sur l’imprimante 3D du quartier est encore loin. « C’est une belle utopie », lance la spécialiste en souriant. Il existe, selon elle, encore des freins à une généralisation. Le premier serait humain: «tout le monde n’a pas envie de fabriquer, de faire quelque chose de concret avec ses mains, de comprendre comment un objet fonctionne». Il y a aussi le cadre juridique qui est encore flou. Qui est responsable quand quelqu’un conçoit un objet à partir d’un modèle en “open source” (libre accès), qu’il se casse ou même qu’il blesse quelqu’un ? Le concepteur de la machine qui a permis de le construire ? Le créateur ? Le fablab ? S’ajoute à cela, un processus de production pas tout à fait au point. «C’est encore assez balbutiant, les machines tombent souvent en panne et beaucoup de créations qui restent fragiles», explique Camille Bosqué. Elle précise tout de même qu’une révolution est peut-être en cours au-delà de l’idée stricte de fabrication. Avoir envie de choses concrètes, de travailler ensemble dans des lieux communs, c’est peut être ça, les prémices de la société de demain.
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