AMENAGEMENT. Devant l’éclatement du modèle urbain, des méthodes et outils ont été identifiés pour redynamiser l’économie des centres-villes. Le « management de centre-ville » peut constituer une solution. Benoît Bougerol, président de la Commission Commerce de la CCI Midi-Pyrénées, nous en explique les enjeux.
Benoît Bougerol, qu’est-ce que le management de centre-ville dont il semblerait qu’il puisse redresser la situation de ce quartier stratégique en difficulté dans certaines communes de la région ?
Ce management est un concept partant du constat que les centres-villes, notamment des villes moyennes, se dégradent. Beaucoup de logements ne sont pas occupés, de nombreux commerces ferment, bref nous observons une déstructuration du tissu local. Tout ceci fragilise les cœurs de villes qui dépérissent souvent au profit des périphéries. Lorsque les gens désertent les centres-villes, certes il reste le patrimoine, mais certaines rues pourtant bien situées restent étonnamment vides. Il est donc nécessaire de créer un poste de manager de centre-ville, un service où l’ensemble des acteurs de ce quartier central réfléchissent à la politique à développer pour assurer sa redynamisation. La méthode consiste à décloisonner le travail des acteurs-décideurs. Ainsi, sur un périmètre donné, un coordonnateur a une vision globale des enjeux et définit des choix pour que la mairie, la communauté de communes ou d’agglomération… puissent prendre des décisions inscrites dans la durée. C’est en fait une politique de centre-ville incarnée par une personne ou par la rencontre régulière des associations de commerçants, des services d’urbanisme municipaux… définissant un axe de réflexion qui sera proposé aux élus. Seul un expert du commerce, de l’habitat, de l’urbanisme, des transports qui aura une vision d’ensemble peut avoir une réflexion intéressante. Cette méthode fonctionne !
Quel est le retour des communes ayant mis en place ce management de centre-ville ?
Leur taux de vacance des commerces est beaucoup plus faible que la moyenne des autres villes de même taille, soit inférieur à 4% quand beaucoup de communes de taille moyenne dépassent les 10%. Les villes de Tarbes, Montauban ou Cahors ont énormément travaillé sur ce plan et commencent à en récolter les fruits. Ils ont fait en sorte d’attirer les grandes enseignes et les franchisés en cœurs de ville, convaincu de nombreux propriétaires de restructurer leurs bâtiments, acheté et revendu des immeubles… Ainsi, Tarbes à redynamisé son cœur de ville et la part du commerce est repartie à la hausse.
Vous deviez annoncer une phase expérimentale de ce projet, qu’en est-il ?
Effectivement, je devais parler d’un partenariat avec l’Etat et le Conseil régional de Midi-Pyrénées qui avaient donné leur accord quant à un financement (pas encore voté) qui aurait permis de booster huit projets (un par département) en prenant en charge la moitié du salaire d’un manager de centre-ville pendant un an. Nous aurions dû annoncer une enveloppe de 120 000 euros et la candidature de villes telles que Lourdes, Pamiers, Foix, Revel, Villefranche-de-Rouergue… Le diagnostic posé reste le même, mais élection oblige, il faudra attendre un peu pour voir se débloquer la somme. Nous retournerons voir le futur président(e) de Région dans quelques mois.
« Seul un expert qui aura une vision d’ensemble peut avoir une réflexion intéressante »
Pourquoi vouloir privilégier le centre-ville aux autres quartiers ?
Car il s’agit d’un constat : aujourd’hui, le quartier le plus en perte de lien social et de lieux symboliques, c’est le cœur de ville. C’est également le seul quartier qui mixe les zones résidentielles et les commerces. Et si le cœur de ville est vide, est un trou noir, les touristes et les acheteurs ne restent pas longtemps. Et comment faire fonctionner un territoire qui n’aurait pas de centre ? Pour prendre un exemple sur les villes moyennes, les quartiers les plus pauvres de la région sont la moitié du centre-ville de Rodez, le centre de Villefranche-de-Rouergue… A l’inverse, toutes les villes comme Tarbes, Figeac ou Cahors qui ont pris le problème à bras le corps, ont identifié des priorités et ont travaillé pour les dynamiser, affichent toutes des résultats positifs.
Qu’en est-il du centre-ville de Toulouse ?
Ce n’est pas comparable. Les centres-villes des grandes métropoles restent dynamiques (taux de vacance des commerces de 4% notamment) car les riverains sont généralement des personnes aisées qui consomment sur place. Pour autant, Toulouse a déjà mis en place un management de centre-ville sous la mandature précédente de Jean-Luc Moudenc, ce qui permet de disposer d’un recensement assez précis. D’autant que les centres commerciaux ne dépouillent pas le centre-ville de ses clients car la population est suffisamment importante pour satisfaire les deux. En revanche, pour des villes de 15 000 ou 30 000 habitants comme Albi (centre Portes d’Albi), ou à Rodez, ou Pamiers, Foix, Revel, Montauban… les projets de gros centres commerciaux de ces dernières années, bâtis en périphérie, fragilisent brutalement les centres-villes. Plus largement, toutes les villes situées à la périphérie d’une grande métropole rencontrent une problématique de maintien de son cœur de ville. Mais en rénovant le patrimoine, en implantant des lieux culturels et des commerces, le visage d’une ville peut totalement changer.
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