ÇA TOURNE – Ils préparent avec minutie leurs interviews, tendent le micro à des vedettes et trouvent normal d’être accrédités sur le Tour de France. À travers le sport et le journalisme, les Média-Pitchounes, âgés de 10 à 18 ans, élargissent leur horizon, bien au-delà de leur quartier de Bagatelle. – Charline Poullain
© Franck Alix
« Bon, vous allez reprendre tous les sujets et voir comment vous voulez les traiter. » À la maison de quartier Vestrepain, siège de l’association Média-Pitchounes au cœur des immeubles de Bagatelle, l’heure est à la conférence de rédaction. Comme tous les mercredis, l’animateur Laurent Girard réunit ses troupes autour d’une table.
Pour la huitième année, des adolescents vont couvrir le Tour de France, accrédités tels des journalistes professionnels. « Je trouvais qu’on l’avait assez fait, mais comme Toulouse est candidate pour être une ville étape, on s’est dit que nous n’allions pas arrêter maintenant que le Tour arrive! », s’exclame Laurent Girard. « On aimerait même qu’il parte de Bagatelle… ».
L’édition 2018, qui garde le nom de code “Le Tour au pied des tours”, sera suivie par cinq jeunes se destinant au journalisme. Épaulés d’un réalisateur, ils changent cette fois leur traitement médiatique: exit les chroniques quotidiennes sur leur site Internet, ils se lancent dans un documentaire sur les à-côtés du Tour, qui pourrait bien être diffusé dans les écoles.
Les sujets prévus sont très variés : les hordes de médias, les supporters, les transferts, les lendemains de nettoyage à Saint-Lary… Jade, 14 ans, note tout. Elle propose d’interviewer ceux qui s’occupent des caravanes publicitaires. « Parce qu’avant qu’ils partent, c’est du délire ! » Hayet, 15 ans, s’amuse d’avance à traiter de logistique avec la pause des barrières. Malo, 14 ans, montera sans doute en voiture avec les gendarmes.
« Et pour la présentation des équipes de sportifs ? Des interviews comme on avait fait en Angleterre et à Düsseldorf, au départ du Tour ? », lancent-ils, aguerris. Non, tranche Laurent Girard, cette année, elle se fera en images et tout le monde se relaiera à la caméra. Souvent, c’est Mazarine, 14 ans qui filme avec l’animatrice vidéo qui dérushe les images chaque soir pour monter de petits films.
La question des accréditations sera abordée par Jade et Laurent avec Amaury Sport Organisation, qui s’occupe du Tour de France. Et ils profiteront de leur déplacement à Paris pour être reçus à dans les locaux du quotidien “Libération”.
« À travers tout cela, nous souhaitons mettre en avant des choses positives sur les quartiers ! On se sert du sport pour faire passer un message de citoyenneté, d’interculturalité et de mixité », rappelle Laurent Girard, qui a créé Média-Pitchounes en 2005. Désormais, l’association compte une trentaine d’inscrits, âgés de 10 à 18 ans.
« Au début, on faisait surtout de l’éducation aux supporters », retrace l’animateur. Ils ont d’ailleurs été élus meilleurs supporters par l’UEFA. La première interview a donc été pour le Toulouse football club.
« Ce ne sont pas juste des rencontres, les jeunes préparent leurs questions, ils ont une posture particulière quand ils s’adressent aux gens et les écoutent », ajoute Laurent Girard. « Je me sens moins timide », assure Margaux, 18 ans. « Ça aide au niveau des oraux ». D’autant qu’ils voient du beau monde, Hayet a interviewé un ministre des Sports et Jade a même demandé à François Hollande: « Si l’on mettait un de vos ministres sur le départ du Tour de France, qui aurait le maillot jaune (celui du leader du classement, ndlr) ? » La réponse présidentielle : « Emmanuel Macron ».
Deux clubs de boxe étant hébergés dans la même maison de quartier, ils se sont tout naturellement intéressés au sujet. Ainsi Sofiane Oumiha a été l’un des filleuls des Pitchounes. Depuis, il est devenu champion olympique à Rio et champion du monde des poids légers.
Les enfants se sont aussi lancés dans le Tour de France à la voile et ils testent régulièrement diverses disciplines, comme le roller-hockey, le hip-hop, le basket, le ski… Dernier projet fou : “Tous en selle”. Du 14 au 25 avril, ils seront 21 à se relayer pour pédaler de Toulouse à Paris aux côtés d’Eddy Estripeau et de Cédric Andrieu de l’association Dassos. Ils pourcourront la bagatelle de 900 km afin de récolter des fonds pour aider la recherche contre la spondylarthrite ankylosante. C’est aussi ça l’esprit Pitchoune : ne pas seulement braquer sa caméra sur les autres, mais d’aller vers eux et faire jouer la solidarité.
http://www.media-pitchounes.fr/
Sur leur site, les Médias-Pitchounes ont listé ce dont ils ont besoin pour Tous en selle, le périple à vélo de Toulouse à Paris qu’ils projettent de faire en avril pour l’association Dassos, qui lutte contre la spondylarthrite ankylosante. Ils sont à la recherche d’équipement (maillots, gants, casques…), de solutions d’hébergement, de ravitaillement, de matériel de réparation de vélo ou encore d’un fourgon.
Commentaires