Harmonie. Du 5 au 7 avril, le DJ américain Jeff Mills, star incontestée de la musique électronique, sera de retour à la Halle aux grains pour présenter sa nouvelle création en collaboration avec l’Orchestre national du Capitole. Véritable exploration sensorielle et musicale, ” Lost In Space ” est un spectacle total, sidéral et sidérant. – Nicolas Belaubre
© Patrice NinRéunir sur scène les 80 musiciens d’un orchestre symphonique et un DJ vedette plus habitué aux clubs branchés et aux raves party sauvages, c’était prendre le risque d’un mélange des genres hasardeux qui ne flatte ni les tympans des amateurs de musique classique, ni ceux des adeptes de dance-floor techno. Mais Lost in Space est loin du vulgaire remix qui recyclerait des airs de Brahms ou Beethoven ou de l’ajout d’une section rythmique énergique pour dynamiser une musique à papa et séduire un public de jeunes. C’est une véritable odyssée électro-symphonique où les machines de Jeff Mills, pionnier de la house américaine, tracent le cap d’une expédition dans un au-delà musical et entraînent violons, clarinettes et hautbois dans leur sillage, à grand renfort de basses lourdes et vibrantes, sur un beat étourdissant et syncopé, savamment enrobé de nappes enivrantes. « Cela fait déjà six ans que nous collaborons avec Jeff Mills. Ses premiers projets étaient basés sur ses tubes, mais peu à peu, il s’est éloigné de cette esthétique pour s’orienter vers l’électro contemporaine. Et ce projet va encore plus loin que les précédents ! C’est un voyage dans l’espace, à la rencontre de l’inconnu. On n’est plus du tout dans la techno, même si ça peut être très violent et rythmé par moments puis beau et calme l’instant d’après », se réjouit Christophe Mangou, chef d’orchestre et responsable du projet pédagogique de l’Orchestre du Capitole.
Pour cette deuxième création, commandée par l’orchestre toulousain au DJ américain, Jeff Mills a fait appel au compositeur Sylvain Griotto pour les arrangements et l’écriture de la partition ainsi qu’à Yves Pépin, qui a signé la mise en scène des Jeux olympiques de Pékin. Les effets de lumière sont impressionnantes et le public se retrouve embarqué, durant une heure, dans une Halle aux grains aussi vibrante et électrique qu’une capsule Soyouz s’arrachant à la gravitation terrestre. « Le but est de perdre complètement le spectateur et de lui faire vivre des phénomènes dont, aujourd’hui, aucun humain n’a eu l’expérience. Au cours du spectacle, le public va traverser un trou noir et assister à une collision entre deux planètes. Pour composer, Jeff Mills s’est beaucoup appuyé sur des recherches scientifiques, notamment de la Nasa », avertit Christophe Mangou, qui dirigera l’Orchestre national du Capitole pour l’occasion. « J’aime les projets d’ouverture, tout ce qui nous fait dépasser nos préjugés. Pour un musicien classique, travailler avec une boîte à rythmes et une oreillette est quelque chose d’inhabituel, qui va à l’encontre de la musicalité. Les orchestres peuvent rechigner au départ, mais au bout de quelques répétitions on sent le groove et les têtes commencent à bouger. Le soir du concert, la rencontre est puissante. Le public de Jeff Mills envoie une énergie qu’aucun orchestre n’a jamais reçue… Et en retour, il reçoit celle de l’orchestre dans la figure. »
Jeff Mills, d’abord connu sous le pseudo « The Wizard » (le sorcier), est un DJ originaire de Détroit. Considéré comme l’un des pionniers de la musique techno, il s’impose dans les raves party européenne grâce à des prestations à trois platines, qui naviguent entre house minimaliste, funk, soul et influences plus industrielles.
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