Rencontre sous le chapiteau du Lido, le centre des arts du cirque de Toulouse. Des professionnels du monde entier viennent s’y former. De même que des amateurs de tout âge. C’est d’ailleurs pour eux que l’épopée a commencé il y a près de 35 ans dans un ancien cinéma. – Charline Poullain
® Franck AlixEn sortant du métro Argoulets, la vue sur le Lido est imprenable. Le chapiteau blanc fait face, majestueux, avec ses mâts qui se dressent vers le ciel. Depuis dix ans, il abrite le centre des arts du cirque de Toulouse. Ici, amateurs et professionnels s’exercent, répètent, inventent…
Juché sur une tige de métal, un homme cherche son équilibre. Tandis qu’une jeune femme pose ses mains sur deux cales surélevées et déplie ses jambes lentement. Tête en bas, elle se sert d’un bras comme balancier, doucement, au millimètre. Si besoin, son professeur est là pour la repositionner. En face, une équilibriste saisit deux lanières et se hisse, basculant à l’envers, corps tendu jusqu’aux pointes des pieds. Sous l’œil d’un intervenant venu du Québec pour dispenser quelques cours.
Le centre des arts du cirque de Toulouse propose une formation sur trois ans à une quarantaine d’élèves. Pour les 15 places de première année, 300 demandes affluent du monde entier. Assis dans la salle de spectacles, qui leur permet de répéter en conditions réelles, le directeur Francis Rougemont essaie de résumer la spécificité du lieu : « Ce ne sont pas seulement des temps d’apprentissage d’élèves à professeurs ou des techniques de cirque… Nos étudiants ont déjà un bagage et ils viennent travailler leur attitude sur scène, leur sincérité artistique. Pour sortir ce qu’ils ont dans les tripes. » Tandis qu’il explique, Émilia, une Chilienne de 27 ans, grimpe le long d’une corde lisse et se met à voltiger autour.
« Qu’est-ce qui fait que l’on se souvient d’un artiste ? C’est ce qu’il nous communique, ce qu’il a dans le ventre », reprend le directeur. Et pour trouver cela, il faut d’abord déconstruire, se mettre à nu. « Les élèves arrivent avec des schémas, des modèles, mais le travail de la première année est de se débarrasser de tout cela pour se rapprocher d’eux-mêmes », confirme Marie-Céline Daubagna, responsable pédagogique. « Il faut aller chercher en soi. On en sort plus de questions que de réponses », assure Mariano, un ancien élève argentin qui mixe cerceaux aériens et théâtre.
« En deuxième année, ils élaborent le langage qui les caractérise, comme un peintre qui affine son trait », reprend Marie-Céline Daubagna. « Tout en acquérant une maîtrise technique forte, les élèves sont dans un champ de recherche personnelle. On leur propose des chemins pédagogiques et artistiques, à eux de les expérimenter. On leur donne des outils », ajoute Ezra Groenen, professeure d’aérien.
Quant à la troisième année, elle est non obligatoire et axée sur l’insertion. Il existe aussi des sessions de formation continue. Un suivi montre que dix ans après leur sortie, 85 % des anciens du Lido sont encore dans le métier.
La même pédagogie est appliquée au secteur amateur, qui compte 350 adultes et enfants. C’est d’ailleurs de lui que tout émane… Il faut remonter aux premiers ateliers, biberonnés à l’éducation populaire et dispensés au début des années 1980 au centre Saint-Exupéry, sur l’avenue du même nom, « dans un ancien cinéma baptisé Le Lido », souligne Marie-Céline Daubagna.
« On voyait le cirque comme un acte éducateur, citoyen », rappelle le directeur. Et de citer son prédécesseur, Henri Guichard, qui a forgé la structure. Leur projet visait la réalisation de l’enfant. « Ce n’était pas pour qu’il sache faire du trapèze, mais pour qu’il s’éclate sur un trapèze ! » Pas question de formater, de donner des critères de jugement.
Si l’école est désormais portée par une association financée par la Ville de Toulouse, la Direction régionale des affaires culturelles et la Région, le secteur amateur, lui, est resté une régie municipale. Chose rare, Toulouse dispose même d’une élue au cirque, Marthe Marti. « Le Lido doit évoluer, il devrait être diplômant. Nous sommes entrés dans un processus visant à devenir une école nationale du cirque », annonce-t-elle. Pour se plonger dans cet univers, il est possible d’assister aux essais cirque des élèves, chaque mercredi soir.
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