Le plus beau pont de Toulouse a la particularité d’être en dos d’âne. Son sommet est situé au milieu de la troisième arche d’un ouvrage qui en compte sept. Pourquoi avoir donné à cette construction une forme dissymétrique ?
Accoudés sur la pierre de Carcassonne fatiguée du parapet, Frédéric et ses amis observent l’envol d’un autobus sur le Pont-Neuf. Cet Ardéchois à la retraite voit l’accordéon se plier à la troisième arche avant que le véhicule n’amorce sa descente vers le cours Dillon : « Il est bizarre ce pont. Aucune arche ne semble similaire et le sommet est décalé, l’architecte avait un coup dans le nez ! », lâche-t-il. « Mais non. La partie longue c’était une piste de décollage pour les pionniers de l’aéronautique », tonitrue José, encore sous l’effet du digestif.
Si les travaux du Pont-Neuf ont duré 88 ans, de 1544 à 1632, les architectes devaient être en parfaite possession de leurs moyens intellectuels. La preuve, l’ouvrage a depuis résisté aux ravages de crues comme celle de 1875, qui a emporté trois autres ponts toulousains. Prairie des filtres, Romain règle sa caméra pour capter le contraste entre la pourpre chaleur du pont et le profond ciel bleu qui le surmonte. Le journaliste semble choisir ses mots pour simplifier une explication trop technique : « L’asymétrie du pont sert sa solidité. La Garonne marquant une courbe sous le Pont-Neuf, il y a plus de courant côté Esquirol. Il fallait donc des arches plus larges pour présenter une moindre résistance à l’eau. »
À vrai dire, cette fonction est assumée par une autre particularité de l’ouvrage : « Les piles sont évidées en leur milieu par des “lunes” ou “œil de pont” de forme ovoïde, destinées à diminuer la pression des eaux », décrit ainsi Jean Coppolani dans son livre “Les ponts de Toulouse”. Cours Dillon, Antoine évite quelques akènes de platanes avant d’engager son vélo sur le pont. Une rafale de vent le stoppe net : « Ah ça oui. La côte est plus longue côté Saint-Cyprien, il fallait bien monter vers Esquirol », explique-t-il simplement.
Le cycliste a vu juste. À l’endroit où le pont est construit, la rive gauche de la Garonne (134 mètres) est située 10 mètres plus bas que la rive droite (144 m). C’est notamment pour cette raison que les crues de la Garonne furent tant dévastatrices pour le quartier Saint-Cyprien. Et c’est donc cette différence d’altitude qui rend le pont dissymétrique, pour tenter d’égaliser les déclivités : « La pente est de 2,37 % côté rive droite et de 4 % côté rive gauche. Ces déclivités sont obtenues au moyen de variation de la montée des arches, résultant de l’inégalité de leur grandeur », explique Charles-Georges Sicre, dans son livre “Solide comme le Pont-Neuf de Toulouse”. L’asymétrie aurait d’ailleurs dû être encore plus marquée. Le Pont-Neuf compte en effet une huitième arche, invisible aujourd’hui, enfouie lors de la construction du cours Dillon.
La rédaction
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