La French Connection a-t-elle étendu ses tentacules à Toulouse ? Si elle n’est pas toute blanche, la fac de l’Arsenal a longtemps abrité des stocks faramineux de poudres. Le trafic était même connu, approuvé et initié par les autorités.
« Je ne touche pas à ça, moi ! » Les esprits s’échauffent vite à l’évocation du passé sulfureux de la sage institution qu’est la face de droit toulousaine. Grégoire, étudiant en troisième année, est assis avec des camarades sur les pelouses du cloître des Chartreux. Il a une piste : « De l’autre côté du canal, c’était une ancienne manufacture de tabac. Peut-être qu’on y fabriquait des drogues, mais dans le sens de médicament ? » Autour de lui, l’assemblée baisse la tête et préfère s’écarter du débat. À quelques mètres de là, un autre étudiant passe furtivement et lâche, entre des dents serrées : « Va voir du côté des murs tagués. »
Rien non plus de ce côté-là. Quelques recherches sur Internet ouvrent sur un passé insoupçonné. Sur une gravure de la fin du 19e siècle montrant le Canal du Midi, des navires de guerre – frégates, cuirassés… et même des sous-marins – frayent allègrement sur l’eau. Il est bien précisé sous la photo : « Arsenal de Toulouse ». Cette gravure totalement fantaisiste témoigne cela dit du passé du lieu. À l’origine, les arsenaux sont liés à la fabrication navale ou à la marine de guerre. Le terme sert aussi, dès le 18e siècle, à désigner des dépôts d’armes et de munitions pour l’armée de terre. À la place de l’université d’aujourd’hui, s’élevaient donc des hangars à vocation militaire.
En 1815, la France dispose ainsi de huit grands arsenaux : Auxonne, Douai, Grenoble, La Fère, Metz, Rennes, Strasbourg, et Toulouse. Ce dernier date de 1792. Louis XVI est alors enfermé à Paris. Son cousin, Charles IV, est roi d’Espagne et fomente une action pour le délivrer en massant des troupes de l’autre côté des Pyrénées. La Convention décide de fonder une ”armée des Pyrénées” de 100 000 hommes, basés à Bayonne et à Perpignan, mais dont le commandement et les armes proviennent de Toulouse. En mars 1793, 120 forgerons, 33 serruriers, 14 taillandiers et 80 armuriers travaillent sur les dix hectares de terrains dédiés. Outre la réparation des armes blanches, ces ouvriers produisent jusqu’à 500 baïonnettes par mois.
Tout au long du 19e siècle, l’Arsenal conserve sa vocation. L’église Saint-Pierre des Cuisines sera même brièvement transformée en salle d’armes en 1815. Peu à peu, au fil des conflits, l’Arsenal évolue dans ses attributions. De 1870 à 1914, une activité cartouchière se développe. C’est à cette époque que la poudre y déborde. Cette fabrication de munitions est progressivement transférée sur le site du Polygone, l’actuelle Cartoucherie. Quant à l’Arsenal, il perd en 1950 une partie de ses terrains au profit de la cité administrative. Avant de déménager à Muret en 1965 pour devenir l’établissement régional du matériel de l’armée.
Gabriel Haurillon
La rédaction
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