Au moment de chercher l’ombre, une jeune fille en fleur aura ses portes ouvertes pour vous entraîner dans un voyage tout en sensualité. Invitation difficilement refusable tant la ballade s’annonce animée et riche en découvertes. Durant tout l’été, cette jeune fille vous accueillera dans son enceinte charmante de la rue du Taur, pour un véritable bruissement de langues et de notes, à contre-courant du brouhaha touristique de cette artère, avec une programmation métissée et généreuse.
La Cave Poésie… comment éviter les superlatifs et redondances sur ce lieu totémique de la vie culturelle toulousaine ? Je partirais d’un très grand souvenir artistique. Bien avant les célébrations larvées (sur quatre ans bien sûr) et instituées du centenaire de la Grande Guerre, j’y étais allé voir un acteur accompagné d’un accordéoniste mettant en scène des lettres non pas du front, de poilus, mais de l’arrière, de proches qui attendent le retour du mari, de l’enfant ou de l’amant. Ces lettres bouleversantes de sincérité qui ne sont jamais arrivées aux destinataires, scalpées par la tuerie qui a ouvert le 20e siècle, sont l’occasion d’évoquer le quotidien à l’arrière envahi par la terreur du conflit. De la favorite au général d’armée à la retraite, de la petite maltraitée à l’épouse inquiète, ces textes regorgent de secrets dévoilés, de cruauté mais surtout de déclarations d’amour. C’était un hiver, nous étions une petite trentaine de spectateurs dans la cave. Sous-terre, l’acteur a utilisé tout son art pour faire remonter à la surface et rendre magistralement vivantes ces figures qui, solennelles ou populaires ont écrit des lettres qui ont hanté longtemps ma mémoire. Haineuses ou amoureuses, elles m’ont renversé par les vagues d’humanité qu’elles ont fait tomber sur moi. Si l’acteur est pour beaucoup dans la transformation poétique de minuscules tragédies quotidiennes qui remontaient de partout en France à cette époque, l’atmosphère, l’acoustique, la poétique de ce lieu si j’ose dire, sans aucun doute, ont amplifé les sentiments que j’éprouvais. Je me dis que c’était l’endroit parfait pour recevoir une telle performance qui noue la gorge et vous arrache des larmes. La Cave Po’ a une puissance plastique d’évocation telle que parfois ses murs et les mots fusionnent au service de l’émotion. Je salue ici ce lieu rare, trop rare qui accueille continuellement et inlassablement la poésie d’ici et d’ailleurs, ne serait-ce que pour le moment magique que je passais il y a quelques années en compagnie de ces personnages de l’arrière durant la Première Guerre Mondiale.
Quarantenaire, on pourrait la penser en bout de course et poussiéreuse, il n’en est rien. Poussez la porte d’entrée et vous serez accueilli par une équipe qui s’est donné pour mission de poursuivre farouchement l’aventure commencée par en 1968 par René Gouzenne et quelques fous de poésie. Pour vous en convaincre, jetez un œil sur la programmation estivale et vous aurez un avant-goût de l’énergie dont est habité ce lieu.
La programmation musicale est un beau panorama de la jeune scène toulousaine. Cela démarre avec le style barock bohème de Lunacello, puis du jazz avec Denis Badault, de la musette/Balkans avec Florian Demonsant, un classique revisité par 7 artistes féminines toulousaines : Le Magnificat de Bach, de l’électrojazz-impro avec Electric Zarca, de la chanson française avec le duo Simon Chouf/Simon Barbe, du klezmer-yiddish-gascon avec L’Artichaut Klezmer Trio, du chant basque revisité avec Berezko et pour clôturer cet été, un bal forró avec Rita Macêdo.
Le théâtre est également présent avec la dernière création de la Compagnie Les SoupirsHaché(e)s (Cécile Duriez, Sébastien Bourdet), Je t’aime : un tête à tête avec un·e comédien·ne devant la Cave Poésie, rue du Taur dans une installation particulière.
Je t’aime est un spectacle de déclarations d’amour d’hier et d’aujourd’hui.
Tout l’été, La Cave Poésie ouvre dès 19 h et vous propose une restauration légère avec les encas de Dagny. Enfin, nouveauté remarquable, un bibliotroc est mis en place. Vous pouvez, lire, échanger des livres. « Nous avons mis en place une bibliothèque se transformant en bibliotroc : lisez, prenez et échangez des livres. »
Lieu de mémoire, lieu vivant, La Cave Poésie est avant tout un espace où vous pouvez vivre des émotions uniques. Courez-y!
Par Mathieu Méric
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