La série “OVNI(s)”, diffusée à partir de cette semaine sur Canal+, reconstitue le décor du Geipan de Toulouse. Installé au Cnes depuis plus de 40 ans, le Groupement d’études et d’informations sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés tente d’expliquer l’extraordinaire.
La nouvelle série loufoque de Canal+ ‘’OVNI(s)’’ nous plonge, dans les années 1970, au sein d’un décor calqué sur celui du Groupement d’études et d’informations sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés, le Geipan, créé à Toulouse en 1977. Les auteurs de la série s’y sont rendus en 2019. « Nous leur avons demandé que nous, les témoins d’ovnis et le Cnes, dont nous dépendons, soient traités avec respect, sans moquerie et sans verser dans le complotisme. Et c’est bien le cas », estime le responsable Roger Baldacchino. Il confie ne pas avoir eu de contrôle sur le scénario, ni d’ailleurs d’en connaître la chute. Mais ses premières impressions sont plutôt bonnes : « C’est une comédie décalée, très agréable… Toutefois, la manière dont se passent les choses au Geipan est, dans la réalité, beaucoup moins farfelue. » En effet, rien ne tombe des placards du petit local situé au rez-de-chaussée du Cnes de Toulouse. « Aucune pagaille ! Au contraire, notre mission nécessite d’être très organisés », poursuit le directeur des lieux.
Le Geipan mène 150 enquêtes par an, à partir de 600 signalements, en moyenne. Ceux-ci ont dépassé le millier en 2020, les Français ayant davantage scruté le ciel durant les périodes de confinement. Nombreux sont ceux qui ont rapporté au Groupement le même phénomène… « Ils avaient aperçu une file de 50 points lumineux qui avançaient dans le même sens. Il y a de quoi trouver cela étrange », commente Roger Baldacchino. Il s’agissait en fait d’une partie de la constellation des 42 000 satellites de la société Starlink d’Elon Musk, destinés à diffuser le réseau Internet. « Nous en avons apporté la preuve, en calculant la position et la vitesse des points et en les comparant à l’éphéméride du passage des satellites », démontre le directeur du Groupement. C’est de cette manière, irréfutable, que le Geipan parvient à résoudre 20% des mystères qu’on lui soumet.
« Quand nous leur fournissons une explication, la réaction des gens est globalement positive. Parfois, certains le prennent mal, parce qu’ils espéraient que leur expérience puisse être d’origine extraterrestre », rapporte Roger Baldacchino, dont le rôle n’est donc pas de trouver la vie ailleurs, mais d’expliquer l’extraordinaire. Quatre phénomènes qui lui sont présentés sur dix ne seront identifiés que de manière probable : « Par exemple, nous supposons que c’est un lâcher de lanternes thaïlandaises, à l’occasion d’un mariage, qui est à l’origine de certains témoignages, mais nous ne pouvons pas le prouver. » Un tiers ne sont pas exploités par manque d’informations. Et 3,5% des cas peuvent être qualifiés de véritables ‘’phénomènes aérospatiaux non identifiés’’. « Ils sont moins nombreux qu’auparavant, car nous disposons aujourd’hui d’outils permettant le recoupement d’informations ». C’est ainsi que 150 dossiers ont été déclassés depuis 2017. Autant de mystères percés.
« Internet nous aide beaucoup », reconnaît le scientifique, qui avec son équipe d’une demi-douzaine de membres se sert de Google Map pour visualiser les lieux d’observation d’Ovnis ou des données météorologiques pour en reconstituer le contexte climatique. Il a aussi recours à des sources d’informations auxquelles le grand public n’a pas accès : le CNRS, Météo France, la Direction générale de l’aviation civile, l’Armée de l’air ou le Centre national des opérations aériennes, chargé de la surveillance de l’ensemble du réseau aérien français, « officiel et non officiel ». « Une simple association ne pourrait pas se procurer de telles données. La force du Geipan repose aussi sur ce réseau d’experts », auxquels s’ajoutent une vingtaine d’enquêteurs bénévoles, sur le terrain, partout en France.
Ils sont formés pour appliquer une « démarche scientifique systématique qui permet de confirmer ou d’infirmer des hypothèses ». Ce qui passe par l’étude des aspects géographique, météorologique, aérien ou astronautique de chaque cas. Et donc par un recueil le plus complet de la mémoire des témoins, selon une méthode élaborée avec l’Université Jean-Jaurès de Toulouse, qui est désormais utilisée par la Police nationale dans le cadre de ses interrogatoires. Parce qu’il n’est pas toujours facile de venir se confier, le Geipan assure un strict anonymat de toutes ses données. Et leur transparence : « Tous nos rapports sont publiés sur notre site Internet. Et lorsqu’ils contiennent une erreur, nous la rectifions », conclut Roger Baldacchino.
Commentaires