On ne présente plus cette institution aux Toulousains. Mais lorsque l’on assiste aux expositions, seule la partie émergée de l’iceberg est visible par le public. Le JT s’est immiscé dans les laboratoires et les réserves où sont conservés des milliers de trésors scientifiques.
Franchir la porte du Museum d’histoire naturelle de Toulouse, c’est plonger dans 150 ans d’histoire. Une histoire qui compte parmi ses gardiens Brian Aiello, taxidermiste du musée depuis plus de dix ans. Pour comprendre comment fonctionne cette fourmilière, il faut se rendre au sous-sol. Quand Brian Aiello pousse la porte de son atelier, l’air frais de la pièce tranche avec les températures estivales. Alors que l’on s’attendrait à des étagères remplies de bocaux de formol ou d’inquiétants animaux empaillés, l’atelier a plutôt des allures de laboratoire scientifique avec ses plans de travail, ses flacons de substances chimiques, ses outils à découper, inciser, nettoyer… Au fond de la salle, un squelette de loup trône sur un bureau. Brian Aiello travaille actuellement à la naturalisation d’un loup de l’Aveyron, un spécimen venu d’Italie. Une fois naturalisé, il sera montré pour la première fois lors de l’exposition “Chiens et chats” qui ouvrira le 4 octobre.
« Laisser un témoignage de notre faune sauvage pour les générations futures »
Sur un établi, Agathe Bonno, apprentie taxidermiste, s’affaire à sculpter une queue en polyéthylène. Elle s’appuie sur des images mais aussi sur un mannequin de canidé commandé spécialement aux États-Unis pour servir de modèle. Cette queue viendra compléter une armature sur laquelle sera cousue la peau de l’animal. De l’arrivée de la dépouille jusqu’à sa naturalisation complète, il faudra compter un mois. Enrichir les collections de nouveaux spécimens est une des missions des taxidermistes : «L’objectif est de laisser un témoignage contemporain de notre faune sauvage aux générations futures», souligne Brian Aiello. À l’avenir, les scientifiques pourront prélever du matériel génétique, par exemple des poils, pour étudier l’évolution d’une espèce.
L’enrichissement des collections se fait au gré des aléas de la nature. Oubliez donc le scientifique partant aux quatre coins du monde pour chasser des animaux rares, « c’est l’office national de la chasse et de la faune sauvage qui nous fournit des dépouilles issues d’accidents dans la région, nous ne faisons aucun prélèvement », précise Brian Aiello en ouvrant la lourde porte d’un congélateur où des vautours moines et fauves attendent leur naturalisation.
Lorsqu’une exposition est lancée, les équipes mobilisent aussi le très riche fonds du Museum. Le taxidermiste franchit les portes successives qui mènent aux réserves. C’est là, sur plus de 1200 m², que les trésors de l’institution sont en partie conservés. Dans ce couloir d’une centaine de mètres, une enfilade de grandes armoires coulissantes. Une odeur âcre et entêtante se dégage. Il s’agit « de créosote de hêtre, une substance utilisée autrefois en entomologie pour la conservation des insectes », indique le taxidermiste. Dans chacune de ces armoires, les animaux sont rangés, alignés dans le noir. Plus de 2,5 millions de pièces au total, dont certaines ont plus d’un siècle, allant de minuscules bouts d’os jusqu’à un ours polaire, en passant par des insectes et des oiseaux. Rien n’est laissé au hasard pour leur permettre de traverser le temps : « La température est maintenue à 20 degrés et l’humidité à environ 50 % », décrit Brian Aiello.
C’est de ces réserves que des spécimens ont été mobilisés pour la prochaine exposition “Chiens et chats”. Avant d’être montrés au public, ils repassent entre les mains expertes de Brian Aiello pour être réparés et nettoyés. Charge ensuite aux muséographes de les mettre en valeur. C’est notamment le travail de Yanaël Delpech, chef de projet, qui nous amène dans la salle d’exposition du sous-sol encore en chantier. « À chaque exposition, nous cassons toutes les cloisons et repensons tout le cheminement avec un scénographe et un architecte d’intérieur », explique-t-il en enjambant des câbles électriques. Écrans, vidéoprojecteurs, installations interactives créeront un parcours logique et immersif. À l’entrée de la salle, les visiteurs seront accueillis par les animaux du musée : des chats domestiques et sauvages, un chien, mais aussi le loup de l’Aveyron sur lequel travaillent actuellement les taxidermistes. « Tout cela en vue d’illustrer l’histoire de la domestication », explique Yanaël Delpech. De quoi perpétuer l’ADN du Muséum depuis sa création, susciter la curiosité pour comprendre le rapport de l’Homme à la nature. Et ressortir moins bête.
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