L’association Tactikollectif a eu l’idée de plonger dans l’histoire des présences maghrébines dans la Ville rose. À la médiathèque José Cabanis, l’exposition “Ô blédi ! Ô Toulouse !” retrace les trajectoires individuelles et collectives de cette immigration toulousaine méconnue.
Que sait-on de l’immigration maghrébine à Toulouse ? Bien sûr, ces mots évoquent des quartiers comme Le Mirail ou Les Izards. Mais de l’histoire toulousaine des rapatriés d’Afrique du Nord dans les années 1950, puis de celle de l’immigration des Algériens, Tunisiens et Marocains des Trente Glorieuses en réponse aux besoins de main d’œuvre, il existe un véritable vide. Ou plutôt, il existait « Le Tactikollectif est très engagé dans les questions de mémoire », explique Salah Amokrane, coordinateur de l’association.
« En 2013, nous avions accueilli une exposition aux Jacobins sur l’histoire des Maghrébins de France, qui évoquait bien peu le cas de Toulouse. Nous nous sommes dit qu’il fallait faire quelque chose. » Il y a un an, commence alors un long travail de collecte dans les « archives privées et orales des familles maghrébines vivant à Toulouse depuis de nombreuses décennies », précise la commissaire de l’exposition Naïma Yahi.
Des photos en noir et blanc sont sorties des albums de famille, des anecdotes, parfois douloureuses, sont racontées, des journaux intimes et des documents sont dévoilés. Toute cette matière, associée aux archives publiques, a permis de créer “Ô blédi ! Ô Toulouse !” (en référence à “Ô mon païs, Ô Toulouse” de Claude Nougaro), une exposition vivante, avec de nombreuses photos et un film d’animation. « L’événement évoque à la fois des parcours personnels et singuliers, tout en fouillant la mémoire collective », poursuit Salah Amokrane. Une séquence consacrée au sport met ainsi en avant la vie du nageur juif originaire de Constantine, Alfred Nakache, mais aussi celle des joueurs algériens du Toulouse football club (TFC) ayant rejoint l’équipe de foot du Front de libération national (FLN) en 1958.
Il est également question de logement avec la création d’une cité d’urgence aux Izards, de l’effervescence associative de ces quartiers d’immigration dans les années 1980, dont est issu le Tactikollectif (ex-Vitécri) ou du groupe Zebda. C’est d’ailleurs Mouss et Hakim, deux des membres de ce dernier, qui ont réalisé la musique du générique de l’exposition. D’autres thèmes de cette histoire sont encore en friche. « J’espère que cette exposition donnera envie à certains de s’emparer du sujet et de poursuivre le travail », lance Salah Amokrane.
Maylis Jean-Preau
Infos pratiques: Médiathèque José Cabanis, du 10 septembre au 12 janvier 2020, gratuit, plus d’informations sur https://tactikollectif.org/
Tout au long de l’exposition, de nombreux événements viendront approfondir les propos pour rassembler et créer du lien : une rencontre avec un historien sur le thème du couscous, le Mardi de l’INA (Insitut national de l’audiovisuel) consacré aux “marches des Beurs” dans les années 1980, une conférence chantée autour des femmes immigrées, une lecture musicale avec le joueur d’oud Lakdar Hanou, un film sur la bataille d’Alger, un atelier rap, une émission de radio animée par Mouss et Hakim de Zebda, le spectacle “Casbah mon amour” et le festival Origines contrôlées…
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