Soixante ans après la dernière campagne de fouilles menée sur le site d’Aurignac, en Haute-Garonne, une équipe du laboratoire d’archéologie Traces de Toulouse a repris truelles et pinceaux pour tenter de découvrir de nouveaux trésors archéologiques.
Après une matinée pluvieuse indigne d’un premier jour d’été, l’équipe d’archéologues profite d’une accalmie pour reprendre possession — avec précaution, le sol étant devenu très glissant — de son chantier de fouilles, situé à deux pas vers l’est de l’abri préhistorique d’Aurignac. Armés de truelles et de pinceaux, alignés le long d’une tranchée, ils recommencent à enlever patiemment, chacun sur son mètre carré, les pierres et la terre qui ont recouvert le précédent chantier, abandonné pendant six décennies.
Pour mieux comprendre, un saut dans le temps s’impose. Nous sommes en 1860 : le paléontologue Édouard Lartet entreprend d’inspecter un abri sous roche, découvert fortuitement par un ouvrier carrier huit ans plus tôt à Aurignac. Jackpot ! Il met à jour un abondant matériel archéologique : des silex taillés, du bois de renne travaillé par l’homme, les restes d’un foyer ou encore des ossements d’animaux aujourd’hui disparus (grand ours des cavernes, mammouth, hyène des cavernes…). « C’est une découverte majeure puisqu’il s’agit des toutes premières traces de nos plus lointains ancêtres, des Homo Sapiens présents en Europe entre 39 000 et 28 000 ans avant notre ère, période qu’on appellera par la suite l’Aurignacien », indique Joëlle Arches, directrice du musée éponyme.
En 1938-39, Fernand Lacorre explore la terrasse située devant la grotte et y trouve de nouveaux objets du même âge. Mais les fouilles suivantes seront décevantes. « Différents sondages ont été effectués dans le prolongement de la falaise, précise Mathieu Lejay, préhistorien géoarchéologue, qui codirige l’actuelle campagne à Aurignac. Mais les spécialistes se heurtaient systématiquement à de gros blocs de calcaire, qui les empêchaient de creuser suffisamment pour atteindre les niveaux archéologiques. » Il faudra attendre 1961 pour que les progrès techniques changent la donne. Avec une pelle mécanique, le préhistorien Louis Méroc parvient à ouvrir une tranchée et finit par trouver 300 objets, du petit bout de silex au véritable outil, qu’il va pouvoir présenter en grande pompe lors des commémorations du centenaire des premières fouilles. Mais le chantier est vite refermé et Louis Méroc laisse peu de traces écrites derrière lui. Après cela, les archéologues concentreront leurs recherches en Dordogne et délaisseront Aurignac… jusqu’à aujourd’hui !
« Notre objectif est de retrouver les limites de ces fouilles anciennes et de mieux comprendre ce qu’a fait Méroc », explique Mathieu Lejay. Un travail fastidieux, le site ayant été remblayé puis recouvert, avec le temps, par de la terre et des ronces. « A priori, il s’agit de terre stérile de tout matériel archéologique, mais pour être sûrs de ne rien manquer, nous faisons régulièrement des tamisages, raconte le préhistorien Lars Anderson, le second directeur de l’équipe. Ce n’est pas évident, car le sol est argileux : cela fait des tas compacts qu’il est difficile de trier. » Mais le groupe de recherche, qui compte notamment neuf étudiants, s’est armée de patience. L’expérience est trop belle. « Je viens d’Atlanta, explique Kieya, 20 ans, qui suit un cursus en archéologie et en anthropologie. Aux États-Unis, nous n’avons pas de sites aussi anciens à fouiller, c’est une chance d’être ici ! » Parviendra-t-elle à trouver un petit bout d’os ou un morceau de silex ? L’espoir est permis : plus elle creuse, plus la terre devient jaunâtre, comme celle décrite par Méroc. « Nous commençons à atteindre le niveau archéologique qu’il a fouillé, indique Mathieu Lejay. Mais il faudra probablement une deuxième campagne, l’année prochaine, pour savoir si cela vaut le coup d’étendre la zone de fouilles, avec davantage de moyens humains et financiers. » En attendant, Aurignac aura peut-être suscité de nouvelles vocations. Visible depuis la route, et accessible à pied depuis le musée, le chantier a attiré une foule de curieux pendant toute la durée des fouilles qui se sont achevées en juin dernier. Le vendredi de notre reportage, ce sont des élèves de maternelle, venus de Salies-du-Salat, qui observaient avec amusement les « articologues » au travail. « C’est important de sensibiliser les enfants et la population locale à ce qui se passe ici, confiait alors Mathieu Lejay. Il n’y aura qu’eux pour préserver ce site, qui est aussi le leur, une fois que nous serons partis. »
Axelle Szczygiel
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