Toulouse, la cité des violettes. Toulouse, Ville rose. Toulouse, capitale du rugby. Toulouse… Notre bonne ville traîne une foule d’épithètes liés à sa culture, à son architecture ou à sa réputation. Si méridionale soit-elle, pourquoi veut-on aussi la sortir de l’Hexagone en l’appelant l’Espagnole ?
Il fait chaud, très chaud. Un climat andalou règne dans les couloirs du métro Jeanne-d’Arc. Claude se tamponne le front avant d’entrer dans une rame ardente. Les portes se ferment et une voix féminine annonce : « Estacion venenta, Joan Jaurés… » Le vacancier se tourne alors vers Catherine, son épouse : « Tiens, c’est en espagnol. C’est vrai que ce n’est pas très loin. » Il faut pardonner à ce touriste de septembre sa méprise. L’occitan, deuxième langue du métro, peut s’apparenter à l’espagnol pour un non-initié.
Claude n’a pas tout à fait tort, car c’est sans doute par sa proximité géographique que les Républicains espagnols ont choisi d’en faire une base arrière pendant la Seconde guerre mondiale. À l’époque, Franco dirige l’Espagne d’une main de fer. En janvier 1939, Barcelone tombe et sonne le glas des dernières velléités républicaines. Devenus des opposants à abattre pour le régime fasciste, des centaines de milliers d’Espagnols sont contraints à la fuite. Sur 180 000 environ, Toulouse avait accueilli 7500 réfugiés en décembre 1939. C’est peu pour être qualifiée de capitale de l’exil républicain.
Les immigrés espagnols de toute la France sentent que le conflit va durer et s’organisent, des réseaux clandestins de résistance et des milices voient le jour. Toulouse se transforme en base arrière pour tous ceux qui passent discrètement les Pyrénées pour mener attentats et sabotages dans la péninsule ibérique. Et tout cela ne s’arrête pas après la libération, puisque Franco se maintiendra au pouvoir jusqu’à sa mort en 1975. Dès septembre 1944, le Parti socialiste ouvrier espagnol tient, salle Sénéchal, son premier congrès en exil. D’autres organisations politiques et syndicales déménagent également leur siège à Toulouse.
Après la Libération, la presse espagnole en fuite a choisi de s’installer à Paris, mais c’est bien à Toulouse que les journaux sont imprimés : “CNT”, “El socialista”, “Ruta”, “Mundo Obrero”. En 1946, la Ville rose compte 20 000 Espagnols, soit 10% de sa population. Ces exilés vont peu à peu s’intégrer à la cité et devenir français, rendant tout recensement actualisé difficile. Outre la Casa de España, de nombreux événements culturels témoignent de la persistance de l’héritage espagnol et de sa vivacité : Toulouse l’Espagnole ou Cinespaña en sont de bons exemples. Restent aussi ces noms à consonance hispanique qui participent au rayonnement de la ville : Lydie Salvayre, prix Goncourt 2014 ou encore Guy Novès, l’entraîneur aux quatre coupes d’Europe de rugby. Alors pourquoi Toulouse l’Espagnole ? Parce qu’elle a su tenir la corne qui, un jour, a poussé en elle.
Gabriel Haurillon
La rédaction
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