L’histoire ne date pas d’hier. Il faut remonter aux années 1950 pour retrouver la trace de Guy le Matraqueur, un colosse de 105 kilos qui sévissait à la Halle aux grains.
Quand on découvre les photos d’archives, on se dit qu’il valait mieux ne pas croiser Guy Faubert, dit le Matraqueur ou le Méchant, un soir où il aurait été de mauvais poil. Les bras arqués comme des mâchoires d’étau, les muscles saillants et le regard menaçant, le malabar semble prêt à vous tomber dessus et vous plier tel un fétu de paille. Mais qui était ce gaillard, affichant le quintal sur la balance, qui faisait régner la terreur les samedis soirs du côté de la place Dupuy, en compagnie de ces acolytes le Bourreau de Béthune, Chéri Bibi ou l’Ange blanc ? Et combien de victimes a-t-il fait ? Aucune, qu’on se rassure. En effet, Guy Faubert était l’un des lutteurs qui se produisaient régulièrement sur le ring de la Halle aux Grains lors des populaires galas de catch, encore appelé par les journaux de l’époque “catch as catch can”*. « Il y avait le bon et le méchant. Moi, je préférais jouer le rôle du méchant. Alors je n’ai jamais remporté un combat », se remémore cette ancienne gloire des rings toulousains.
Coup de la corde à linge, manchette, souplesse arrière… Une ou deux fois par semaine, les torgnoles, beignes et autres bourrades pleuvaient à la Halle aux grains. « Ma spécialité, c’était le ciseau au cou, porté avec les jambes », dévoile le catcheur, ex-champion d’Europe, qui a connu l’âge d’or de la lutte libre. En effet, l’incontournable édifice hexagonal de la place Dupuy a eu plusieurs vies, depuis sa construction en 1864. Conçu initialement pour accueillir un marché aux grains, le lieu a également abrité, au fil des années, une station œnologique, un bureau de poste, un télégraphe ainsi qu’un poste de police… Il reçoit même, dès les années 1920, des bals populaires et des événements sportifs (basket-ball, boxe, catch, etc.). Une décennie plus tard, les combats de lutte libre, qui rassemblent régulièrement près de 5 000 personnes, deviennent hebdomadaires. « En 1946, la municipalité décide de transformer l’édifice pour en faire un cirque couvert, c’est-à-dire une salle de sports et de spectacles », apprend-on dans l’ouvrage ‘’Marchés dans la ville’’, publié par les Archives municipales.
« Le public était extrêmement bruyant. C’était une sacrée époque », se souvient Guy Faubert, dont le rôle consistait à provoquer les spectateurs. « Les gens me huaient et me sifflaient. Certains m’agressaient quand je tombais du ring », ajoute celui qui a continué les exhibitions jusqu’à l’âge de 55 ans. Bien après que le palais des sports municipal ne change une dernière fois de destination, sous l’impulsion du chef d’orchestre Michel Plasson en 1971, pour devenir un auditorium et retrouver son nom original.
* Attrape-moi comme tu peux
Nicolas Belaubre
Nicolas Belaubre a fait ses premiers pas de journaliste comme critique de spectacle vivant avant d’écrire, pendant huit ans, dans la rubrique culture du magazine institutionnel ‘’à Toulouse’’. En 2016, il fait le choix de quitter la communication pour se tourner vers la presse. Après avoir été pigiste pour divers titres, il intègre l’équipe du Journal Toulousain, alors hebdomadaire de solution.
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