En 1884, 163 Aveyronnais ont traversรฉ l’ocรฉan, pour fonder une colonie dans la Pampa argentineย : la ville de Pigรผe, oรน tous les รฉcoliers apprennent aujourdโhui le Franรงais.
Le 24 octobre 1884, une quarantaine de familles aveyronnaises sโentasse sur le Belgrano, un navire qui va les emmener de Bordeaux jusquโau Nouveau Monde. ยซ Quel pรฉriple pour tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont fait 38 jours de mer, dans des conditions misรฉrables… Avant de partir, certains nโavaient mรชme jamais mis les pieds ร Toulouse ยป, raconte Jean Andrieu, dont lโarriรจre grand-pรจre รฉtait du voyage. Ces familles, issues principalement de la vallรฉe du Lot, vont fonder la premiรจre et unique colonie aveyronnaise dโAmรฉrique du Sud, en plein milieu de la Pampa argentine.
Fraรฎchement conquise par les Argentins sur la tribu des Indiens Mapuche, cette bande de terre, plus grande que la France mรฉtropolitaine, a besoin de bras pour la cultiver et y รฉlever du bรฉtail. ร lโinverse du dรฉpartement de lโAveyron, qui est surpeuplรฉ. ยซย ร lโรฉpoque, on y comptait 400 000 habitants, contre moins de 300 000 aujourdโhui. Il y avait beaucoup de familles nombreuses, qui possรฉdaient de petites exploitations agricoles. ร cela sโรฉtait ajoutรฉ le phylloxera, la maladie de la vigne qui ruinait les rรฉcoltes. La pauvretรฉ a poussรฉ les gens ร sโexpatrierย ยป, explique Jean Andrieu. Cโest ainsi que, pendant prรจs dโun siรจcle, lโAveyron est devenu une terre dโรฉmigration, voyant partir bon nombre de ses reprรฉsentants vers la capitale ou le Nouveau Monde.
Natif du petit village dโAmbec, ร cรดtรฉ de Saint-Cรดme-dโOlt, dans lโAubrac, Clรฉment Cabanettes a dรฉjร franchit le pas quand il invite ses compatriotes ร le rejoindre dans son aventure transatlantique. Engagรฉ dans lโarmรฉe argentine dans les annรฉes 1870, puis fondateur de la premiรจre compagnie de tรฉlรฉphone du pays, il a rรฉussi ร acheter pour une bouchรฉe de pain 300 hectares de Pampa, ร plus de 500 kilomรจtres de Buenos Aires. Cโest donc ici, ร Pigรผe, que va sโinstaller la colonie aveyronnaise. Mise ร part la gare, il y a tout ร construire. ยซ Curรฉ, institutrice, forgeron, commerรงantโฆ toutes les compรฉtences nรฉcessaires รฉtaient reprรฉsentรฉes parmi les colons ยป, indique Jean Andrieu. Leurs fortunes sont diverses. Si beaucoup parviennent ร faire fructifier leurs terres, ยซ dโautres sont rentrรฉs au pays. Cabanettes lui-mรชme finira dans la misรจre. ยป
Aujourdโhui, Pigรผe nโest plus vraiment perdue dans la Pampa. Cโest une ville de la Province de Buenos Aires qui compte 17 000 habitants et dont les racines aveyronnaises sont toujours bien visibles. On y trouve la rue Rodez, le Parc Saint-Cรดme-dOlt, une statue de Clรฉment Cabanettes, la premiรจre langue รฉtrangรจre enseignรฉe dans ses รฉcoles est le Franรงais. Surtout, il y a toujours de nombreux รฉchanges entre les cousins des deux bouts du monde, notamment grรขce ร lโassociation Rouergue-Pigรผe, dont Jean Andrieu est le responsable culturel : ยซ Notre gรฉnรฉalogiste a retrouvรฉ les noms et les lieux de naissance de chaque ancรชtre ยป. Cโest ainsi quโil a pu faire la connaissance de ses cousins argentins et devenir ami avec le maire de Pigรผe, un certain Gustavo Notarario, lui aussi dโorigine aveyronnaise.
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