Prélever en agios des sommes supérieures aux chèques ou aux virements rejetés est définitivement hors la loi ! Si les banques conservent la liberté de fixer la plupart de leurs tarifs, elles doivent respecter l’encadrement que leur impose la loi et tenir compte, avec discernement, des personnes en situation de fragilité financière.
Le principe est celui de la liberté des tarifs et dans la pratique, les banques sont ainsi libres de fixer, comme bon leur semble, les sommes pour les services offerts. Or, dans une société néo-libérale, la liberté rime avec abus (ce qui oblige à légiférer pour substituer à la loi de la jungle, la jungle des lois !) ainsi qu’avec des prestations hors de prix (comme le tarif des EPHAD par rapport à la moyenne des retraites et le prix de l’énergie qui a engendré le « chèque énergie » avec un filtre d’appréciation du Trésor Public qui définit les réellement pauvres et les moyennement pauvres !). L’Etat préfère la subvention, les aides ou les allocations, plutôt que de prévoir des prix compatibles avec le revenu médian des français : le néo-libéralisme est à ce prix ! Il importe peu que la dépense soit hors de portée pour le plus grand nombre, l’essentiel est qu’il existe des aides pour faire de la croissance…Mais revenons à nos agios !
La banque peut faire ce qu’elle veut et elle fait donc, ce qui lui est le plus profitable : soit 6,5 milliards de frais de gestion facturés sur les particuliers sur un an (chiffre ANAF), l’Etat s’est dit qu’il devait intervenir, un peu, pas beaucoup et pas trop mais néanmoins sous l’injonction de l’Europe.
Comme d’ordinaire, le principe est la liberté et la règlementation consiste à encadrer mais sans autre sanction que le recours à la Justice ; ce qui nous donne une protection illusoire puisqu’il faut se défendre devant un juge contre une Banque qui se fait Justice à elle-même, en prélevant comme bon lui semble et sans état d’âme, les frais qu’elle a décrétés contre son propre client, en lui rappelant qu’elle lui a notifié ses tarifs, en début d’année civile, par un document de 4 à 5 pages, sur le contenu duquel le législateur a dû intervenir. Nos sociétés demandent parfois que soit traduit en français, ce qui est pourtant écrit en français !
L’imagination des banques est infinie pour qualifier les opérations menées sur les comptes bancaires, dans l’espoir de légitimer les prélèvements qui y sont opérés : frais de forçage, commission d’intervention, dépassement de découvert, notification de dépassement, avis de présentation de prélèvement, rejet de chèque, provision insuffisante, etc… Sans compter, sur l’habile distinction opportuniste qui est faite entre les comptes personnels et les comptes professionnels que les banques manient avec une dextérité impressionnante, c’est-à-dire non transparente, afin de placer toujours, ou en tout cas, chaque fois que cela est possible, la tarification dans le domaine professionnel, puisque les frais sont alors libres ou moins encadrés et les prestations de services peuvent être facturés à des prix très largement supérieurs à ceux pratiqués à l’égard du consommateur. Exemple : une saisie, sous forme d’avis à tiers détenteur, engagée par le Trésor Public, coûtera 100 € si vous êtes un particulier et elle vous coûtera 220 € si elle est pratiquée sur un compte professionnel ! L’opération est pourtant la même mais c’est sans doute la commission consentie par l’Etat aux banques pour obtenir une meilleure protection du particulier ou en tout cas pour que celui-ci soit moins impacté par le désir farouche de faire du chiffre avec les frais !
La banque dispose d’une marge de manœuvre totale pour la fixation de ces tarifs puisqu’il n’existe qu’une seule limite : les frais liés aux incidents de paiement. Il s’agit de tout rejet d’un ordre de paiement par chèque, virement, prélèvement ou carte pour défaut ou insuffisance de provision, ou de toute position débitrice non autorisée.
Ainsi, il existe deux types de frais selon qu’il s’agisse d’un rejet de chèque ou d’un rejet de virement ou de prélèvement. En cas de rejet d’un chèque (article D 131-25 du code monétaire et financier), le montant maximum des frais bancaire est de 30 € en cas de rejet d’un chèque d’un montant inférieur ou égal à 50 € et de 50 € pour les chèques de plus de 50 €. Bien sûr, le maximum est le plus souvent appliqué ! Le législateur rappelle que ces sommes sont destinées à couvrir les dépenses engagées pour prévenir le titulaire du compte du rejet prochain du chèque faute d’approvisionnement du compte, etc. Il faut en effet rappeler que la banque à l’obligation de prévenir le titulaire du compte de son intention de rejeter le chèque afin de lui permettre de recréditer son compte pour que le paiement puisse être opéré. (Article L 131-73 du code monétaire et financier – CMF). Si elle ne le fait ou si elle le fait imparfaitement, elle engage sa responsabilité pour défaut d’information. Cela s’applique aussi bien pour les comptes bancaires des particuliers ou pour ceux des professionnels. Cette information ne doit pas être générale mais précise ; elle suppose que la banque vise le ou les chèques concernés. La Cour de Cassation est très ferme contre les banques et elle analyse cette faute, comme la perte d’une chance, « pour le titulaire du compte, d’approvisionner celui-ci pour couvrir les chèques émis et échapper aux conséquences qui résultent du refus de paiement du chèque. » (Cassation – chambre commerciale 14 juin 2016 – 14 19.742)
Un chèque dont le montant est inférieur à 15 € doit obligatoirement être payé par la banque quel que soit le solde du compte. (Article L 131-82 du CMF)
En cas de rejet d’un virement ou d’un prélèvement, le montant des frais ne peut pas dépasser le montant de l’ordre de paiement rejeté et est plafonné à 20 €. (Article D 133-6 du CMF)
Depuis le 1er janvier 2014, le montant des commissions d’intervention est plafonné, par opération et par mois. (Article L 312-1-3 du CMF). Mais cela ne concerne que les particuliers et il s’y ajoute un plafonnement spécifique pour les clients en « situation de fragilité financière ».
Pour tous les clients, les frais ne pourront pas excéder 8 € par opération et 80 € par mois et pour les personnes en « situation de fragilité financière », le plafond est fixé à 4 € par opération et 20 € par mois, mais elles doivent avoir souscrit l’offre spécifiques des clients fragiles (OCF).
Les avis à tiers détenteur n’étaient pas concernés par ces règles mais cela a été réparé puisque depuis le 1er janvier 2019, ils sont plafonnés à 10 % du montant dû, dans la limite de 100 €. (Article L 262-5 du code des procédures fiscales)
Enfin la crise sanitaire après un amendement avorté au sénat, au mois de mai 2020, visant à suspendre les frais bancaires pendant la crise sanitaire, un décret du 20 juillet 2020 (2020-889) est venu modifier les conditions d’appréciation par les établissements de crédit de la situation de fragilité financière de leurs clients titulaires de compte : à compter du 1er novembre 2020, les frais bancaires seront plafonnés pour les « clients fragiles » dès 5 irrégularités ou incidents au cours d’un même mois, ils bénéficieront d’un plafond de 25 € par mois pendant une durée fixe de 3 mois. Ce dispositif se combine avec le précédent.
Ne payez que ce qui est juste et ce qui est légal. Rappelez à votre banquier vos droits car ils sont d’ordre public !
Michel Avenas
Avocat au Barreau de Toulouse
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