Traditions anciennes ou inventions de toutes pièces. Les villages de la région font parfois preuve d’inventivité pour attirer les visiteurs. À Moncrabeau, dans le Lot-et-Garonne, cela fait près de 250 ans que l’on célèbre l’art de raconter des bobards, à l’occasion du Festival des Menteurs.
Chaque premier dimanche d’août, le petit village gascon de Moncrabeau se transforme en capitale du mensonge. Sous les arches de la halle, située au milieu du village, se dresse ainsi un fauteuil en pierre : le “trône des menteurs”, gardé par une pierre gravée de la date 1748. Preuve en est que la tradition ne date pas d’hier…
C’est autour de ce siège que l’Académie des Menteurs orchestre son festival. Un événement aussi sérieux que décalé lors duquel les participants rivalisent d’imagination pour devenir le “Roi des Menteurs”. Loin d’encourager les mensonges ordinaires, ici on honore ceux qui, avec humour et finesse, savent détourner la vérité sans jamais tomber dans le vulgaire.
Si l’ambiance est bon enfant, l’épreuve, elle, est d’ailleurs codifiée. Chaque participant reçoit ainsi un “Brevet des Menteurs (BAC +10)” qui l’autorise à « travestir la vérité en tous temps et en tous lieux » durant ce jour de fête, selon l’association Académie des Menteurs. Cela l’autorise à monter sur scène pour séduire le jury par une histoire originale, souvent drôle, mais presque crédible.
Un jury d’académiciens, baptisés les “Ingénieurs des poids et mesures”, les écoute religieusement. À la fin de chaque prestation, ils attribuent des cuillères de sel, de deux à dix, en fonction de la qualité du boniment. Deux petits pages costumés pour l’occasion les collectent dans un petit sac de jute. Une fois tous les candidats au titre de “Roi des Menteurs” passés, les bourses de sel sont pesés. Et celui dont le sac est le plus lourd remporte le trône pour un an.
Il faut donc remonter au XVIIIe siècle pour en retrouver les racines de cette tradition. À cette époque, des bourgeois désœuvrés se retrouvaient sous la halle pour commenter l’actualité du village. Quand les anecdotes se faisaient rares, certains n’hésitaient pas à les inventer. Le but : raconter la meilleure histoire, celle qui ferait à la fois rire et douter. De ces joutes verbales est née une réputation que Moncrabeau n’a jamais perdue.
Président de l’Académie des Menteurs, Claude Carlesso revendique haut et fort l’importance de ce patrimoine : « Le but, c’est vraiment de sauvegarder la tradition. On veut maintenir ce que les anciens nous ont laissés : l’art de raconter des menteries, de faire rire. C’est plus qu’un jeu, c’est un héritage. On perpétue une manière de parler et de rassembler autour des mots. » Et cet esprit de la menterie est contagieux. En effet, en 1843, une société belge, séduite par la verve gasconne, a fondé à Namur la “Royale Moncrabeau“. Aujourd’hui encore, ses membres, appelés les Molons, se réunissent tous les deux ans avec leurs homologues français pour célébrer leurs liens fraternels autour de ce savoir-faire unique : mentir, mais avec style.
Emma Guillaume
Institut Supérieur de Journalisme de Toulouse
Cet article a été écrit par des élèves de l'Institut Supérieur de Journalisme de Toulouse dans le cadre d'un partenariat avec le Journal Toulousain.
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