TETRIS– Pour Stéphane Gruet, architecte et philosophe, lutter contre l’étalement urbain passe par le fait de rendre désirables les alternatives à la maison individuelle. D’après lui, une densification horizontale permet à la fois de garantir intimité et maîtrise de son logement.
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En 2016, 71% des Français plébiscitaient la maison individuelle comme leur type d’habitat préféré. C’est ce qui ressort du dernier des sondages réalisés tous les cinq ans par le groupe immobilier auprès de 3 600 Français. Une situation héritée des années 1970. « Depuis cette date,le logement collectif souffre d’une image repoussoir », selon l’architecte et philosophe Stéphane Gruet. La faute à un certain échec de la politique des grands ensembles menée dans les années 1960.Elle sera balayée dès 1969 d’un revers de main par le ministre de l’Équipement et du Logement Albin Chalandon. Il promeut alors la construction de dizaines de milliers de pavillons individuels.
Mais pour Stéphane Gruet, ce discrédit du collectif n’explique pas à lui seul l’attrait pour la maison individuelle. « Elle est aussi synonyme d’intimité et d’appropriation de son logement, d’une volonté d’être maître de ses aménagements. » L’enjeu est donc de répondre à ces aspirations en trouvant une « alternative désirable » aux grands ensembles et au pavillon individuel. Car, « les injonctions au développement durable ne suffisent pas», estime-t-il.
Selon l’architecte, la densification horizontale des villes est une des pistes de lutte contre l’étalement urbain. « Les modèles architecturaux méditerranéens sont une source d’inspiration. Par la mitoyenneté, on mutualise le bâti ce qui comporte les mêmes avantages en termes de coûts de construction que de l’habitat collectif. Des maisons individuelles avec un patio intérieur protègent davantage l’intimité qu’un pavillon avec petit jardin à la vue des voisins. » La densification horizontale peut aussi passer par de l’habitat intermédiaire ou semi-collectif. « Il s’agit de superposer deux logements “individualisés” disposant chacun d’une entrée particulière, d’un jardin en rez-de-chaussée ou d’une terrasse à l’étage », explique Stéphane Gruet. Un modèle permettant d’atteindre des niveaux de densité importants. « Le quartier des Chalets au centre-ville de Toulouse en est un bon exemple. Il n’excède pas le R+2 (rez-de-chaussée plus deux étages, ndlr ) et pourtant il affiche la même densité qu’au Mirail », explique l’expert.
Pessac, près de Bordeaux, a fait le pari de cette densification horizontale. Le lotissement Candau comprend 34 logements individuels s’organisant en une sorte de hameau entièrement piéton, le stationnement automobile étant maintenu en périphérie du site. Il est traversé par un réseau de ruelles, ponctué de placettes et de cours-jardins. Près de Toulouse, Stéphane Gruet cite également l’écoquartier Andromède. Son ambition : accueillir environ 8 000 nouveaux habitants sur une surface de 210 ha. Ce qui, selon l’association Construction 21, place sa densité moyenne de 3,8 hab/km², proche de celle du centre-ville de Toulouse.
Selon Stéphane Gruet, un autre levier à mobiliser est celui du mode d’accession à la propriété. L’habitat participatif, où un groupe d’habitants conçoit, créé et gère collectivement leur habitat permet ainsi, dans des constructions collectives, de répondre « audésir d’appropriation en étantmaître du choixl’architecture tout en bénéficiant des avantages de la mutualisation.»
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Stéphane GRUET est architecte et philosophe. Il est à l’origine de l’A.E.R.A. (Action Études et Recherches autour de l’Architecture), devenu le Centre de Cultures de l’Habiter (CCHa). Avec son équipe et la coopérative Faire-ville, il coordonne depuis 2005 des programmes de recherche et développement sur la ville durable et l’habitat participatif en accession sociale.
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