BACCHUS – Les vendanges commencent avec un peu d’avance dans ce vignoble durement touché par les intempéries des derniers mois. La récolte s’annonce moins bonne que les années précédentes, mais tout n’est pas perdu. À la cave coopérative, comme chez les indépendants, on tente de sauver ce qui peut l’être.
Michael Ducousso
© Franck Alix
Les tracteurs ont entamé leur ballet à la cave des vins de Fronton. Ils vont et viennent, charriant des tonnes de raisin arrivé à maturité avec une bonne semaine d’avance. On a l’habitude de commencer les vendanges entre le 4 et le 10 septembre... Là, on a commencé le 29 août !, s’exclame la technicienne vigne de la cave coopérative, Magda Muller. Cette année, les récoltes sont précoces, mais elles devraient aussi être rapides. On devrait vendanger pendant quatre à cinq semaines, contre sept semaines l’an dernier.
Dans les vignes, tout s’est accéléré à la fin du mois d’août. Les conditions se sont réunies pour que les grappes mûrissent à toute allure et que l’on commence la récolte des cépages gamay et négrette nécessaires à l’élaboration des rosés IGP et AOP. Mais maintenant qu’ils entament leurs vendanges, les viticulteurs craignent que de fortes pluies viennent nuire à la qualité de leur raisin. Car le Frontonnais n’a pas vraiment été épargné par les aléas climatiques ces derniers mois. Après un épisode de gel en avril, et de grêle en juillet, les vignes sont meurtries. Entre 40% et 50% de l’appellation ont été touchés », souligne Benjamin Piccoli, directeur du syndicat des vignerons de Fronton. Ça représente 700 à 800 hectares sur l’appellation et presque le double si on raisonne à l’échelle globale du vignoble. Résultat : Il y a des parcelles où les machines ne passeront pas, car il n’y a plus rien à récolter.
Malgré ces épisodes désastreux, le cycle de la vigne a pu partiellement reprendre. La cave espère donc tirer 60 000 hectolitres de vins – AOP et IGP confondus – pour une récolte qui en rapporte d’ordinaire 80 000. On vit une situation particulière, avec des viticulteurs qui manquent de raisin et d’autres qui découvrent que finalement ce n’est pas si grave, explique Jean Hemmi, technicien vigne de la cave, en suivant l’évolution des vendanges en direct sur son smartphone. Cette disparité se remarque à l’entrée des cuves, avec des tracteurs qui déversent des bennes moins chargées qu’escompté et des grains verts qui se mélangent aux raisins plus mûrs. Ce n’est pas faute de mener des contrôles réguliers pour savoir quelles parcelles sont prêtes à être vendangées, mais la maturité hétérogène des fruits rend le travail de sélection plus délicat.
Cela ne devrait cependant pas nuire aux vins de la cave, qui dispose d’une gamme suffisamment étoffée pour répartir les raisins sur l’ensemble de la production en fonction de leur qualité. Chez les indépendants, en revanche, l’affaire est plus complexe. Au domaine Laurou, Guy Salmona connaît lui aussi « une situation bizarre, avec des grappes vraiment mûres, que l’on pourrait vendanger, et d’autres encore vertes ». Confronté à un « choix cornélien », le viticulteur a décidé d’attendre un peu avant de vendanger, malgré « le risque d’avoir les premières grappes gâchées, car trop mûres. »
Il patiente donc dans le chai où il continue de mettre en bouteilles ce qu’il lui reste des récoltes 2015 et 2016. Ces deux belles années lui offrent un léger répit, mais d’ici deux ans, l’impact financier des intempéries va se faire durement sentir. 80% de son vignoble a été frappé par le gel, « dont certaines parcelles à 100% ». Il n’aura donc que 400 hectolitres de vin, maximum, à commercialiser pour la cuvée 2017, contre 1700 pour celle de 2016. Outre la baisse du chiffre d’affaires, ce mauvais rendement peut aussi empêcher la production de certains vins haut de gamme chez les producteurs indépendants et leur disparition des rayonnages. Tout cela pourrait avoir des répercussions catastrophiques chez ceux qui ne sont pas assurés contre les risques provoqués par les désordres climatiques.
Voilà pourquoi le syndicat des vignerons de Fronton négocie pour ses adhérents des exonérations sur le foncier non bâti, sur les cotisations à la Mutualité sociale agricole et des reports d’annuité auprès des banques. En parallèle, Benjamin Piccoli précise que son organisme « va mener une étude plus poussée sur les solutions qui existent ailleurs pour lutter contre le gel et considérer leurs coûts ». Certains vignobles français font en effet brûler des feux dans les vignes ou vont jusqu’à passer des hélicoptères au-dessus des champs pour créer des courants d’air qui empêchent la formation du gel. Ce n’est pas la solution la plus écoresponsable, « mais c’est pour l’instant la plus efficace », même si elle est très onéreuse.
En attendant de trouver la solution miracle pour l’an prochain, les viticulteurs du Frontonnais retiennent leur souffle en espérant que le climat ne fera pas encore des siennes d’ici la fin de cette récolte.
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