Chaque semaine cet été, nous nous glissons dans vos valises. Cette fois, c’est Jean-Luc qui nous raconte son histoire. Deux ans après la chute du mur de Berlin, il est parti à la découverte de la Pologne de Solidarnosc, le syndicat polonais qui a conduit le régime communiste à sa chute.
Par Anne Mignard
C’est en allant voir le pape que Jean-Luc a pour la première fois rencontré « les gens de l’Est » en 1989, à Saint-Jacques-de-Compostelle. « Un événement qui m’a marqué dans ma vie de chrétien. Pour la première fois, on a pu rencontrer des croyants venant d’un bloc soviétique alors mal en point. Moi j’ai toujours été partisan de l’Ostpolitik, celle qui prônait la main tendue vers le bloc de l’Est plutôt que la guerre ».
Ce père de famille est alors professeur d’histoire géographie au collège d’Egletons en Corrèze. Chef scout durant l’année et fortement investi dans les activités de la paroisse, il conduit chaque été sa petite famille sur les routes de l’Europe à bord de son mini van et plante la tente là où il peut. Cet été là, au milieu de la foule venue applaudir le souverain pontife, Jean Luc fait la connaissance de Piotr, un ingénieur polonais qui pour la première fois de sa vie passe à l’Ouest voir son idole : Jean-Paul II. Des liens d’amitié naissent entre eux malgré la barrière de la langue, et après ces quelques jours de fête, Jean-Luc et Piotr gardent contact et échangent des courriers.
L’année suivante, Piotr et sa femme Anna rendent visite à la petite famille en Corrèze. Puis en 1992, Jean Luc et sa femme font le grand pas et traversent ce qui était encore appelé quelques années plus tôt « le rideau de fer ». En juillet, il arrive donc en Pologne.
Piotr et Anna habitent alors dans un immeuble en banlieue de la ville de Poznan. « La première chose qui m’a choqué, c’est qu’il n’y avait pas de volets aux fenêtres des appartements. Il était très facile de regarder chez le voisin. Piotr m’expliqua que c’était fait exprès et que l’état soviétique en construisant ces barres voulait que chacun puisse surveiller son voisin. Un contrôle collectif contre les déviances, les dissidences ».
« On nous a même montré l’appartement où vivait alors Lech Walesa, c’était émouvant »
Marie-Chantal, la femme de Jean-Luc, accompagne Anna faire les courses et découvre un autre monde. « Nous nous rendions dans un magasin d’état, où il y avait toute une procédure pour acheter les produits en rayon, nous devions les prendre, les payer puis les remettre dans les étals pour finalement nous les faire servir à nouveau… je n’ai jamais rien compris à la procédure, mais cela servait peut-être à justifier le travail de certains… ».
Jean-Luc ajoute : « c’était vraiment différent de chez nous. Une nuit j’ai oublié les clefs sur le contact du van en bas de la barre d’immeuble. Le lendemain rien n’avait été volé et le van était toujours à la même place. Alors qu’en France quelques semaines plus tôt, à Lyon, on nous avait forcé le véhicule pour voler le porte-monnaie de ma fille ».
Lorsque le couple demande à Jean-Luc ses souhaits quant au programme des visites, la réponse est claire : « je veux voir les grands lieux du combat Solidarnosc ». Direction : Gdańsk et ses chantiers. Jean-Luc explique : « J’admirais beaucoup la résistance de ces travailleurs, j’avais même correspondu pendant un temps avec l’un d’eux lorsqu’il était en prison pour avoir saboté une usine sidérurgique… »
À Gdańsk, la petite famille passe devant les lieux de résistance du syndicat polonais. « On nous a même montré l’appartement où vivait alors Lech Walesa, c’était émouvant ». Autre visite au programme, la ville de Częstochowa. Un an plus tôt, elle avait accueilli les Journées mondiales de la Jeunesse où l’on a compté un million six cent mille pèlerins. Un des grands événements de l’Histoire de Jean Paul II. « On s’est vraiment régalé, les Polonais étaient toujours accueillants et chaleureux, excepté les policiers. Ils nous ont arrêtés deux fois durant notre séjour. La première fois, pour un soi-disant excès de vitesse. J’ai payé, je n’ai rien dit. Et puis l’amende en zloty correspondait à cinquante francs, ça passait. Mais la seconde fois, à Varsovie, ils m’ont reproché d’avoir des phares jaunes alors qu’en Pologne tous les véhicules en avaient des blancs. J’ai alors refusé de payer et voyant que les policiers s’énervaient, j’ai tenté un coup. Nous n’étions pas loin des ambassades et depuis la rue, on voyait le drapeau des États-Unis. J’ai montré le drapeau du doigt et menacé d’aller me plaindre à l’ambassade. Ils n’ont pas demandé leur reste et sont partis en trombe ». La Pologne était libre, mais ses fonctionnaires avaient encore du mal à s’adapter.
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