Chaque semaine cet été, nous nous glissons dans vos valises. Une histoire vraie de surprenantes vacances. Alice, nounou pour une famille italienne en séjour près de Pise, à Castiglione della Pescaia, compte bien profiter de son temps libre. Et pour cela, elle a une idée bien précise en tête.
« Cet après-midi- là, une fois ma journée de travail terminée, mon patron, Signor Giustiniani, me demande ce que je compte faire. Depuis ma lecture du livre “Le Nom de la rose” d’Umberto Eco, je rêve de dormir dans un monastère italien. En réalité, je n’ai encore rien planifié pour ce premier soir de congé, mais la réponse me vient spontanément. Je lui lance : « J’aimerais dormir dans un monastère, mais on verra bien ! » et pars un petit sac de voyage à la main.
Sur la route qui quitte cette petite station balnéaire chic, je suis vite prise en stop par deux jeunes femmes. Par chance, elles ont prévu de passer par Paganico, le village que je veux visiter avant de chercher un monastère pour la nuit. Nous nous entendons à merveille et la conversation fuse. Une fois arrivées à destination, je quitte la voiture et fais de grands au revoir depuis le bord de la route… avant de me rendre compte que toutes mes affaires sont restées dans le coffre de la voiture désormais disparue.
Que faire ? Je suis seule, dans un pays qui m’est parfaitement étranger, sans le moindre sou, ni moyen de contacter quiconque. Sur le trottoir étroit, je tourne sur moi-même, fais quelques pas, m’exclame même à haute voix… Je suis perdue.
Soudain, une véritable mamma italienne, les cheveux noirs attachés en chignon, le tablier farineux autour de sa taille généreuse, sort de sa maison et vient me voir. Avec mon faible niveau d’italien, beaucoup de gestes et quelques larmes, je lui explique ma situation. Nous arrivons à la conclusion que la seule chose à faire est d’appeler la police. La dame m’accueille chez elle et téléphone. Les carabinieri arrivent. Malgré l’aide de la gentille femme, il est difficile de me faire comprendre. Je parle des Giustiniani et de la petite station, mais ne peux même pas leur donner d’adresse, encore moins un numéro de téléphone. Les policiers me font alors comprendre à l’aide d’un vigoureux jeu de mimes qu’ils vont m’amener passer la nuit… dans un couvent !
« Que faire ? Je suis seule, dans un pays qui m’est parfaitement étranger, sans le moindre sou, ni moyen de contacter quiconque. »
Les carabinieri m’embarquent donc en direction du Convento dell’Osservanza à Montalcino. Au portail, une bonne sœur nous accueille. Elle flotte dans les grands pans noirs de son habit, le visage serré par sa guimpe blanche. Après quelques mots échangés avec la religieuse, les carabinieri me laissent. Suor Cristina m’accompagne vers une “cellule”, une chambre. Elle parle quelques mots de français et s’excuse platement de n’avoir rien d’autre à m’offrir à manger qu’une pomme et quelques tranches de pain, car le repas du soir est fini depuis longtemps. Elle me laisse ensuite seule.
Allongée sur ma couche spartiate, je revois ma journée et fais le bilan : j’avais eu peur et avais été intimidée par ces policiers un peu brusques, et visiblement exaspérés, qui ne parlaient qu’italien. À l’heure qu’il est, je ne sais toujours pas ce que je vais devenir, comment vais-je retrouver les Giustiniani, comment ils vont réagir ? Mais le fait est que, ayant annoncé que j’allais dormir dans un monastère à mon patron incrédule, et bien… je vais dormir dans un monastère ! D’accord, ce n’est pas le parcours auquel je m’attendais, mais je suis là ! Heureuse finalement face à ce tour du destin, je m’endors paisiblement dans la cellule austère.
Les policiers ont bien travaillé pendant la nuit et le lendemain matin, ils arrivent au couvent et m’annoncent qu’ils ont trouvé les Giustiniani à Castiglione della Pescaia, que ces derniers confirment mes dires et qu’après un passage au commissariat, ils me mettraient dans un taxi. Je remercie donc chaleureusement les bonnes sœurs qui réitèrent leurs excuses pour le maigre repas et suis les carabinieri.
À mon arrivée devant la maison de Castiglione, les Giustiniani se précipitent sur le taxi mais ne me font pas de reproches. Mes employeurs sont visiblement soulagés de me retrouver saine et sauve ; les enfants sont heureux de me revoir mais surtout ravis du divertissement qu’a créé mon aventure. Il est maintenant l’heure de préparer le repas et notre petite vie peut reprendre son cours… Deux jours plus tard, un livreur sonne à la porte : mes bagages ont été retrouvés ! »
Par Vanessa Stone
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