Démocratie. Le Brexit, NDDL (Notre dame des landes), ou encore le choix du nom Occitanie pour la région LRMP, ces trois actualités ont en commun la question du référendum ou de la consultation populaire. Prôné par les uns, décrié par les autres, ce procédé pose le débat de la démocratie participative. Nos deux invitées, Lise Maillard et Muriel Decout ont donné leur avis sur le sujet.
Par Séverine Sarrat et Coralie Bombail
La semaine dernière, la sortie de l’Union européenne votée par référendum au Royaume-Uni a bouleversé l’Europe, le gouvernement britannique, les citoyens partisans du ‘‘remain’’, le couple franco-allemand, les pays voisins qui veulent s’en inspirer… Quelles sont véritablement les conséquences de ce vote populaire ? « Il relance tout d’abord le débat sur la remise en cause de l’Union européenne, à chaque fois l’on consulte le peuple sur un sujet pour ou contre l’Europe, un non assez large l’emporte », remarque Lise Maillard, qui retient par ailleurs « une leçon démocratique » de cette affaire. Elle note en effet que la démission du Premier ministre britannique David Cameron, qui a fait campagne pour le Oui, prouve « qu’il assume les conséquences politiques des résultats, ce qui n’a pas été le cas en France lorsque Nicolas Sarkozy a imposé le Traité de Lisbonne, alors que les Français avaient voté contre la Constitution européenne ».
« J’espère que ce sera une occasion de repenser le projet européen »
Pour Muriel Decout, le vote britannique est avant tout « l’expression d’un grand gâchis ». Elle se souvient de ce que l’Europe signifiait lorsqu’elle était étudiante, « une ode à la joie, une volonté de fraternité entre les Européens » et explique aujourd’hui ce rejet « par la gestion technocratique de l’Europe, par le pouvoir de la finance qui s’est affirmé partout ». Pourtant, nos deux invitées estiment que ce choix a été davantage guidé par des arguments « réactionnaires » et non par des idées « progressistes ». « J’espère que ce sera une occasion de repenser le projet européen, mais je ne me fais pas beaucoup d’illusions », avoue Muriel Decout. « Les partis progressistes doivent s’emparer de cette question, qui ne doit pas être laissée à l’extrême droite, ce sera un des enjeux de la prochaine campagne présidentielle », poursuit Lise Maillard, pleinement engagée dans la campagne de Jean-Luc Mélenchon, avec le mouvement La France insoumise.
Une autre consultation populaire a créé la polémique en France, cette fois-ci : le Oui à la construction de l’aéroport Notre Dame des Landes, malgré des années de lutte des ‘‘anti NDDL’’ et de la ZAD installée sur le futur site de construction. Pour la militante PG, ce référendum « s’apparente davantage à un plébiscite, organisé par l’État qui veut imposer ce projet ; c’est de la politique politicienne ». Elle dénonce les conditions d’organisations de cette consultation, « réalisée seulement dans le cadre d’un département (Pays de la Loire, NDLR) qui n’est pas même compétent sur le sujet ; pourtant le projet d’un aéroport concerne l’ensemble du pays et pas seulement ce territoire ». Muriel Decout diverge sur ce sujet : « J’ai le sentiment que le gouvernement aurait plutôt préféré un non à ce projet, parce qu’aujourd’hui, il se retrouve dans une impasse. Faire évacuer la ZAD sera compliqué, et certainement dangereux. »
« Le référendum sur NDDL s’apparente davantage à un plébiscite, organisé par l’État »
En ce qui concerne l’organisation du vote, qui aurait pu être nationale selon les critiques, « je ne me serais pas vu voter sur une décision aussi locale, si ce n’est en prenant en compte une position de principe par rapport aux transports aériens ». « Un aéroport n’est pas une question locale », réagit Lise Maillard, « c’est une question d’intérêt général, comme toutes les luttes qui concernent l’écologie ». Cette dernière ne peut pas croire que le gouvernement ait peur des risques provoqués par l’évacuation de la ZAD : « On voit bien sa logique jusqu’au-boutiste envers les mobilisations citoyennes et sociales actuelles », souligne-t-elle. Une chose de sûre pour la directrice de l’URSCOP, « personne ne croit que ce référendum va arrêter les ‘‘antis’’ dans leur lutte ». Lise Maillard conclut en appelant un débat plus général sur « tous les grands projets inutiles et imposés, que l’on voit apparaitre dans toutes les régions ».
Dans notre région, une consultation citoyenne a également été menée. Elle ne concernait pas un projet, mais l’appellation de la nouvelle région, temporairement baptisée LRMP. La proposition ‘‘Occitanie’’, arrivée en tête des votes, a été validée par le Conseil régional (qui a rajouté la mention Pyrénées-Méditerranée). Un débat qui n’a pas passionné nos deux convives du jour. « Il y a beaucoup d’autres sujets en lien avec les compétences régionales qui me semblent plus importants que cette consultation sur le nom », tranche Lise Maillard. Elle qui n’est pas de la région, ne sent pas « particulièrement proche du nom Occitanie ». En revanche, Muriel Decout a voté pour cette proposition.
« Il faut que les questions posées traitent de sujets essentiels »
Même si elle juge cette consultation « pas forcément utile », elle trouve normal « que les élus aient suivi les résultats du vote ». En conclusion, la démocratie participative via les référendums peut-elle amener un nouveau souffle dans nos institutions ? « Il faut poser la question du fonctionnement actuel de nos institutions, car dans le système de la Ve République les référendums ne peuvent pas être un procédé efficace ; il faut que les questions posées traitent de sujets essentiels et mettre en place des référendums révocatoires pour les élus à mi-mandat », liste Lise Maillard en guise de réponse. Cela suppose également que la population soit bien informée des enjeux du scrutin. « Il y a des progrès à faire sur l’accès à l‘information et à la transparence », relève-t-elle. « C’est comme dans une SCOP », enchaine son interlocutrice, « les associés salariés ont droit de vote sur les grandes décisions de l’entreprise en Assemblée générale, il faut leur donner les moyens de connaitre les conséquences de leur décision. »
Mini bios :
Lise Maillard : Militante du Parti de gauche depuis 2012, Lise Maillard est aujourd’hui la secrétaire départementale du PG 31. À ce titre, cette étudiante en droit et en sociologie s’engage pleinement dans la campagne présidentielle du mouvement La France insoumise, lancée par Jean-Luc Mélenchon.
Muriel Decout : Directrice de l’Union régionale des Scop en Midi-Pyrénées, Muriel Decout est engagée dans le mouvement des sociétés coopératives depuis 1993. Elle a pris la tête de la SCOP Ethiquable, spécialisée dans le commerce équitable en 2003, avant de rejoindre d’URSCOP en 2010.
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