Ils ne sont que deux pour notre rendez-vous matinal de la semaine, mais la discussion s’annonce animée. Bernard Cadène et Jean-Baptiste de Scoraille sont prêts à débattre sur l’énième frasque du maire de Béziers Robert Ménard, l’exonération d’impôts locaux pour les retraites modestes et la répartition des tâches ménagères entre hommes et femmes.
A peine arrivés, nos invités sont déjà lancés. La discussion entre les deux hommes va bon train mais nous recentrons la conversation avec notre premier sujet. Robert Ménard, maire Rassemblement Bleu Marine de Béziers, a décidé de s’en prendre aux kebabs. En fin de semaine dernière, il a annoncé ne plus laisser de nouveaux restaurants de ce type s’ouvrir dans sa ville soutenant que « ces commerces n’ont rien à voir avec notre culture ». Les réactions ne se font pas attendre autour de la table. « Il me semble qu’il faudrait équilibrer ces choses là. Je ne connais pas Béziers, mais il faut peut-être y limiter ces commerces afin qu’il n’y en ait pas trop », commence Bernard Cadène. « Je vous rejoins dans l’idée de l’équilibre commercial d’une rue. Les habitants doivent trouver une offre qui corresponde à leurs besoins », complète Jean-Baptiste de Scoraille, illustrant ses propos d’exemples concrets comme celui de la rue Saint-Michel à Toulouse. Il est clair que la plupart des communes s’adonnent à une régulation de l’implantation des commerces mais ici, c’est bien la manière de faire et son rattachement à un problème culturel qui font polémique. « Robert Ménard a été élu avec ce discours. Je pense qu’il a besoin de montrer aux gens de Béziers que les choses changent, mais il y a un peu de provoc ! » relève le conseiller départemental. Selon lui, le problème est plus profond : « C’est trop facile de montrer du doigt le Front National. Il faudrait déjà que les partis traditionnels soient en mesure de répondre aux attentes des gens. Mais il y a des problèmes que l’on n’a pas pris en compte, comme l’immigration par exemple, qui est un problème global ».
« C’est l’image d’un gouvernement qui improvise, qui n’est pas à la hauteur. » Bernard Cadène
Bernard Cadène, quant à lui, dérive un peu du sujet et s’interroge sur les personnes rejoignant le parti d’extrême droite : « Là où je suis étonné, c’est qu’au Front National, avant, il n’y avait pas tous ces intellectuels. Je vois par exemple à Toulouse des gens qui y partent et ont pourtant un pouvoir de réflexion. Je ne comprends pas, cela doit venir d’un malaise global…» Tentant d’apporter quelques éléments de réponse, Jean-Baptiste de Scoraille poursuit : « Les partis traditionnels ne prennent pas certains sujets à bras le corps. Si l’on veut détruire le vote du Front National, il faut traiter les problèmes. Et on peut le faire avec humanité…. »
Sur ces mots, nous dérivons vers la situation inédite de remboursement des impôts locaux, déjà payés par certains, et de maintien de l’exonération des quelques 250 000 ménages retraités aux revenus modestes. « C’est un problème politique avec les élections qui arrivent. Je suis extrêmement choqué, en étant dans une ville où il y a environ 400 millions d’euros de dotations de l’Etat en moins. Quelles que soient les municipalités, droite ou gauche, on est pris à la gorge et derrière, l’Etat vient nous dire qu’il va baisser les impôts. Il y a un problème quelque part. Ils auraient peut-être mieux fait de ne pas baisser les dotations comme cela avait été décidé au départ pour éviter les augmentations d’impôts sur les communes. C’est une décision hâtive qui n’a pas été réfléchie… » lance Jean-Baptiste de Scoraille. Pour Bernard Cadène, il s’agit de « l’image d’un gouvernement qui improvise, qui n’est pas à la hauteur, composé d’amateurs. Globalement, avec Hollande c’est une catastrophe. » Alors que nos invités passent en revue les membres du gouvernement, avec leurs petits commentaires personnels, c’est Jean-Baptiste de Scoraille qui reprend : « Comme pour une entreprise, le gouvernement doit prendre des décisions, anticiper, planifier. Mais ils sont enchaînés par leur réélection future ! Il faut servir le bien commun, c’est valable pour tous les partis. On est élu pour avancer, on est responsables. »
« Les hommes politiques sont enchaînés par leur réélection future ! » Jean-Baptiste de Scoraille
La conversation s’oriente sur le nombre d’élections et la durée des mandats en France. « Le quinquennat est trop court, il faut laisser le temps d’agir entre deux élections. Il y a d’autres moyens d’éviter que les mêmes hommes politiques se représentent tout le temps » souligne Jean-Baptiste de Scoraille. Bernard Cadène insiste sur l’importance d’une continuité de la politique menée, au-delà de l’alternance des partis. L’élu prend pour exemple la ville de Toulouse : « La politique d’urbanisme n’a pas été remise en question, c’est intelligent de ne pas tout changer alors que certaines choses sont intéressantes. La politique doit changer et il faut oser dire les choses plutôt que de faire des promesses ». Si le matraquage fiscal a été un problème majeur pour le gouvernement et l’a rendu très impopulaire, pour Bernard Cadène, revenant sur l’exonération fiscale, « personne n’est dupe pour autant. On ne connait pas le résultat d’une telle politique ». Quant à la fusion des régions, Jean-Baptiste de Scoraille considère que « le gouvernement est allé trop vite et a mal pensé sa réforme qui va couter très cher ».
Nous passons à notre troisième et dernier sujet du jour. Les chiffres sont tombés, la répartition des tâches ménagères entre les hommes et les femmes évolue, mais il reste un certain chemin à faire… « Il faut arrêter de parler d’inégalités et laisser les gens libres de s’organiser par eux-mêmes. Pour ma part, j’ai plutôt été élevé dans le respect de l’autre, sans définir ce qui relève du travail de l’homme ou de celui de la femme. C’est un peu ridicule d’aller chercher l’égalité stricte », déclare Jean-Baptiste de Scoraille. « Avec ma femme, nous partageons : je fais les tâches, et elle nettoie », blague Bernard Cadène avant d’ajouter qu’il aide comme il peut. « Dans mes équipes commerciales par exemple, je suis contre la parité et les quotas. Cela ne relève pas de la compétence et je trouve cela plutôt avilissant pour les femmes », ajoute le maire de quartier. Les mentalités évoluent peut-être moins vite que la société, chacun se sentant investi de certaines tâches stéréotypées encore ancrées. « De plus en plus, chez les jeunes, c’est équilibré. Les pères passent plus de temps avec leurs enfants il me semble » soulève l’artiste. « Un bienfait des 35h » pour Jean-Baptiste de Scoraille, remarque qui fait dévier nos deux invités loin du sujet annoncé. La conversation prend fin sur ces échanges. Chacun rassemble ses affaires et reprend le cours de sa journée, après cette petite parenthèse.
Mini bios :
Bernard Cadène : Aveyronnais d’origine, il suit ses études aux Beaux-arts de Toulouse. Son diplôme de professorat de dessin en poche, il décide néanmoins de se consacrer à la peinture et seulement la peinture. Au cours de sa carrière d’artiste, il crée la société Master Films de création et production de films voués à la communication ou la publicité, dont son fils a repris la tête. Aujourd’hui, Bernard Cadène travaille avec 11 galeries à travers le monde.
Jean-Baptiste de Scoraille : Actif, ce directeur de vente du groupe Findus s’est investi tardivement en politique. Aujourd’hui conseiller départemental du canton de Toulouse 10, Jean-Baptiste de Scoraille suit Jean-Luc Moudenc depuis sa défaite en 2008. Aujourd’hui Maire de quartier (Côte Pavée et Château de l’Hers), il est également élu en charge des anciens combattants et de la démocratie locale.
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