Non-retour. À l’heure où la trêve hivernale touche à sa fin, le problème du logement refait surface, et celui du logement social en particulier. Leur taux par commune est imposé par la loi, pourtant certaines sont encore loin du compte. Volonté politique ou impossibilité matérielle ? La situation sur l’agglomération toulousaine.
25% de logements sociaux d’ici 2025, c’est l’objectif que doivent atteindre les communes de plus de 3 500 habitants et ce, depuis mars 2014. La loi Duflot, dite loi ALUR, a relevé ce taux, fixé jusque-là à 20%, afin de pallier les demandes des familles toujours plus nombreuses. Avec 32 000 dossiers déposés, la Haute-Garonne enregistre une hausse annuelle de 6.8%, d’après les chiffres avancés par l’Union sociale pour l’habitat Midi-Pyrénées, l’agglomération toulousaine en totalisant 25 000. Malgré les 3 138 logements sociaux livrés en 2014, la cadence est encore trop faible pour absorber le nombre de demandes. D’autant que certaines communes sont loin de remplir leurs objectifs. L’Union est, à ce jeu-là, la ville la moins bien équipée avec seulement 3.91% de logements sociaux au lieu des 25% requis. Mais elle n’est pas la seule dans cette situation, comme en témoignent les chiffres de Bruguières (3.95%), Saint Jory (6.92%) ou encore Grattentour (7.7%). À L’Union, ville de plus de 11 500 habitants, les choses avaient pourtant été bien amorcées dans les années 1970, même si à l’époque les lois coercitives n’existaient pas encore. « Mais rapidement, le foncier est venu à manquer, consommé par la construction de maisons individuelles », explique un membre de l’ancienne municipalité de Georges Beyney, maire de 1972 à 2014. L’Union s’est trouvée bien dépourvue quand la loi SRU a été adoptée en décembre 2000 : « nous n’avions plus de foncier à disposition ! » Le retard s’est alors accumulé et la municipalité est aujourd’hui dans l’impasse totale. « Pour bien faire, nous aurions dû construire un millier de logements sociaux alors que nous ne délivrons qu’une dizaine de permis de construire par an », se justifie-t-il.
« Les considérations politiques et sociales pèsent »
Ainsi, les municipalités actuelles payent au prix fort les politiques d’urbanisation de leurs prédécesseurs. « Jusque dans les années 1990, il aurait été possible de mener un programme de rattrapage, mais aujourd’hui, c’est quasiment impossible », explique Yvan Navarro, premier adjoint de Marc Péré, actuel maire de L’Union. Mais le foncier est-il réellement la seule cause de tous les maux de la ville ? Les efforts ont-ils été suffisamment consentis du temps du « règne » de Georges Beyner ? « Il est vrai que les considérations politiques et sociales ont également pesé. Nous voyons, tout autour de nous, que les maires sortants ayant densifié leur commune ne repassaient pas aux élections municipales suivantes, alors… Je suis persuadé par exemple que c’est ce qui a coûté sa place à Alain Fillola, ancien édile de Balma ! » analyse l’ancien conseiller de L’Union. La ville n’aurait donc pas mis la meilleure des volontés pour rattraper son retard, elle en paye aujourd’hui le prix, et quel prix ! « Nous devons nous acquitter de plus de 500 000 euros par an au titre de l’amende SRU qui n’est pas négociable », précise Yvan Navarro, soit 16% de l’impôt unionais. En revanche, les objectifs triennaux peuvent eux, être discutés. « C’est ce que nous faisons avec la préfecture, en leur démontrant notre bonne volonté pour éviter que la taxe ne s’aggrave », ajoute-t-il. Car le Préfet a la possibilité de doubler l’amende s’il estime que la commune est en carence, et c’est ce qui est déjà arrivé à L’Union mais aussi à Bruguières. Pour limiter l’hémorragie, quelques projets sociaux ont été lancés, notamment dans la zone de la Viollette où la construction de 400 logements est prévue, dont 35% d’habitat social.
À l’inverse, certaines communes s’approchent des objectifs fixés par la loi ALUR, telles Blagnac avec 23.47% de logements sociaux, Toulouse avec 20.3% – pour laquelle nous n’avons joint personne, élection oblige – Villeneuve-Tolosane avec 18.77%, Cugnaux avec 15.85%, Beauzelle avec 15.61% ou encore Fenouillet avec 15.56%. Seule Colomiers (29.3%) parvient à atteindre, et même dépasser, les 25% requis. Pour Karine Traval-Michelet, maire de Colomiers, que nous n’avons pu contacter à temps, cette situation exemplaire est essentiellement due à une politique engagée de longue date, comme elle le confiait à la Dépêche du Midi il y a quelques mois.
« À Colomiers, il y a peut-être plus de gens qui pensent à aider leurs administrés qu’ailleurs »
Les taux catastrophiques affichés par certaines communes seraient donc le résultat « d’une volonté politique. À Colomiers, il y a peut-être plus de gens qui pensent à aider leurs administrés qu’ailleurs », lance François Piquemal, porte-parole du DAL Sud-Ouest. Plus nuancé, Pascal Barbotin, directeur général de Patrimoine SA Languedocienne, l’un des bailleurs sociaux qui œuvre sur la région toulousaine, combine deux phénomènes : « celui d’une politique favorisant la construction pavillonnaire et celui d’un déficit de foncier », comme il l’explique. Sa société travaille essentiellement sur les communes de Toulouse (80% du parc) Blagnac, Balma, Saint Orens, Beauzelle, Tournefeuille et Cugnaux.
Il n’y a pas de coïncidence, il s’agit des villes affichant les meilleurs taux de logements sociaux. Le bailleur social privé se targue d’un parc de 10 000 logements familiaux sur l’agglomération, pourtant la profession est aujourd’hui attaquée par le DAL (association Droit au logement) car elle privilégierait la construction d’un certain type de logements : « Il existe quatre sortes de HLM, allant du moins au plus social : le PLI, le PLS, le PLUS et le PLAI », affirme François Piquemal. Lui, dénonce la création de PLI au détriment de PLAI, « car les bailleurs sociaux préfèrent livrer des logements dans lesquels ils sont sûrs que les locataires vont payer. Plus le public est en difficulté et plus le risque d’impayés est important. » Ce qui n’est pas du goût du directeur de Patrimoine SA Languedocienne : « C’est faux ! Sur une opération type, nous implantons 70% de PLUS et 30% de PLAI. » Mais qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre, toujours est-il qu’il n’y en a pas assez, quoi que… Dans certaines parties de l’agglomération, des logements sociaux seraient inoccupés. D’après les informations de l’Union sociale pour l’habitat Midi-Pyrénées, 2.3% du parc haut-garonnais serait vacant, et 1.3% à Toulouse intra-muros. Un comble !
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