Casting. Les listes des candidats en lice aux prochaines élections régionales se dévoilent peu à peu. En position éligible ou pas, des personnalités toulousaines issues de domaines différents y apparaissent, et pas toujours là où on les attendait. On les appelle les ‘‘prises de guerre’’.
Par Séverine Sarrat et Coralie Bombail
A peine révélés, leurs noms font les gros titres des médias. Dans cette campagne des élections régionales, atypiques en tous points, marquer sa différence est essentiel pour chaque candidat. Et les prises de guerre sont des atouts de poids dans la campagne. Elles permettent d’apporter à la fois de l’image, du réseau mais aussi des idées. Les staffs de campagne les recherchent activement, comme des perles rares au milieu de l’océan politique et de ses requins. Il faut en distinguer deux sortes : celles qui sont issues de milieux étrangers à la politique, comme les artistes, les universitaires, ou les chefs d’entreprise ; et celles qui sont issues d’autres partis politiques. Signes « d’ouverture » pour les uns, « de qualité » pour d’autres, ou seulement du « bling bling » ? Tout est une question de stratégie.
Peu de prises de guerre sur les listes de D. Reynié et C. Delga
Les deux principaux candidats ne sont pas les plus pourvus en ‘‘prises de guerre’’. Cela s’explique. D’une part, ce sont certainement les deux listes les plus complexes à réaliser. Les républicains et les socialistes, ayant énormément d’élus sur la Région, le dilemme est davantage de trouver une place à tout le monde, plutôt que de partir à la recherche de candidats. Près de 250 personnes ont candidaté sur la liste de Carole Delga en Haute-Garonne, pour 38 retenus. Il faut en outre garder des places pour les partenaires politiques, ce qui s’est avéré une tâche particulièrement compliquée pour Dominique Reynié qui réalise une liste d’union au premier tour (avec l’UDI et le Modem notamment). Carole Delga conduit, certes, une liste PS, PRG, MRC, mais le plus dur reste à faire entre les deux tours, où il faudra certainement réaliser l’union avec la liste de Gérard Onesta (EELV). Des contraintes qui laissent peu de places aux profils atypiques. « Nous ne sommes pas là pour présenter des listes d’urbains bling bling, mais pour constituer une équipe qui pourra gouverner », se justifie un proche de la liste PS. D’autre part, les prises de guerre sont moins vitales pour ces candidats. Là, où pour certains, elles constituent un bel argument de communication dans des campagnes aux petits budgets, le PS et les Républicains ont d’autres forces : les militants et les moyens financiers (tractages, déplacements, meetings…).
« Nous ne sommes pas là pour présenter des listes d’urbains bling bling »
Néanmoins, on peut quand même relever, dans ces deux listes, quelques profils qui s’apparentent à des prises de guerre. Du côté de Carole Delga, son numéro 2 est l’ancien président de l’université Paul Sabatier, Bertrand Monthubert. Même si celui-ci est militant du PS depuis 1993, il est davantage connu comme universitaire qu’en tant qu’homme politique. Il représente donc un milieu de chercheurs, très important à Toulouse. Sur la liste de Dominique Reynié, on note la présence à la 11ème place (donc éligible) du président de la Chambre d’agriculture de Haute-Garonne, Yvon Parayre, qui est sans étiquette. Une prise non négligeable dans une campagne où le FN chasse en terres rurales… Vincent Terrail-Novès, tête de liste en Haute-Garonne met également l’accent sur plusieurs personnalités « issues du milieu enseignant traditionnellement de gauche », qui représentent un monde éducatif déçu de la politique gouvernementale.
Louis Aliot : des belles prises
La liste FN en Haute-Garonne peut se targuer d’avoir su recruter de vrais prises de guerre. Une stratégie bien menée par la tête de liste régionale Louis Aliot, qui valorise au maximum ces candidats. Les ralliements des deux anciennes élues de la droite toulousaine, Maithé Carsalade et Chantal Dounot-Sobraquès ont eu l’effet escompté : le buzz. Respectivement tête de liste et 3ème de la liste, leurs places confirment la volonté de Louis Aliot de passer un message aux sympathisants de droite. « Bien qu’elles aient appartenu à la même majorité, elles ne s’adressent pas du tout aux mêmes publics », explique Louis Aliot, « Chantal Dounot-Sobraquès parle à la droite conservatrice, tandis que Maithé Carsalade représente davantage le centre droit en tant qu’ancienne UDF et UDI, ce sont deux femmes très performantes qui connaissent très bien Toulouse.» Si Maithé Carsalade s’est rapprochée du FN il y a un an, la décision de Chantal Dounot-Sobraquès est plus récente : « Je l’ai contacté par l’entremise de Serge Didier (également ancien élu Baudisien) pour lui proposer d’être sur ma liste, elle a réfléchi puis a accepté », raconte la tête de liste. Mais ils se connaissaient déjà, bien avant cet épisode « de la faculté de droit de Toulouse mais aussi du Conseil régional où nous avons siégé en même temps, après les élections de 1998 ». A cette époque, le candidat de la droite Marc Censi avait renoncé à la présidence de Région, car il aurait été obligé de s’allier avec le FN pour constituer sa majorité. « Chantal Dounot-Sobraquès faisait partie de ceux qui prônait l’union entre le RPR et le FN » rappelle Louis Aliot.
« Elles ne s’adressent pas du tout aux mêmes publics »
L’autre prise de guerre du FN est sans conteste Didier Carette, l’ancien directeur du théâtre Sorano. « C’est un ami d’ami, c’est moi qui ait fait la démarche d’aller le chercher », confie le candidat FN, « il a voulu apporter son carnet d’adresse et son savoir-faire à notre liste. » Sa présence permet d’investir un milieu très marqué à gauche : la culture. « On sait que ce milieu était jusqu’à présent hermétique au Front national, j’ai voulu montrer que nous avions aussi des priorités en la matière pour promouvoir une culture ouverte à tous dans la Région », affirme Louis Aliot. De son côté, Didier Carette, explique son choix : « A la suite de ma démission au théâtre Sorano, sous le mandat de Pierre Cohen, les écailles me sont tombées des yeux, j’ai pris conscience d’un certain nombre de choses. En tant qu’artiste, on se soucie d’abord de l’humain, et aujourd’hui celui qui a un discours humaniste, c’est Louis Aliot. » Pour Didier Carette, « le FN n’est pas ringard en matière de culture ! Moi, je souhaite soutenir la production actuelle et locale. » Les premières propositions sur le sujet devraient être présentées la semaine prochaine à Toulouse.
Gérard Onesta : La chasse à la crédibilité
La liste Nouveau monde de Gérard Onesta révèle également son lot de personnalités toulousaines connues et reconnues dans leur domaine respectif. Mais ici, les convictions affichées de ces dernières ne laissent pas de place au doute quant à leur engagement profond. En revanche, c’est bien par leur intégration d’une liste électorale que leur choix reste intéressant. « C’est la première fois qu’ils franchissent le pas et entrent concrètement en politique pour la plupart d’entre eux », confie la tête de liste. Comme c’est le cas pour l’écrivain Pascal Dessaint. En position non éligible, il défend cependant son action politique : « J’ai toujours eu un engagement de naturaliste et d’écologue notamment à travers mes ouvrages dans lesquels je réalise des critiques sociales ; c’est une forme de politique ! » Mais c’est à la suite de l’explosion d’AZF et de la tribune qu’avait diffusée Gérard Onesta dans Libération que l’écrivain a été séduit et a suivi le Conseiller régional. « Ce sont les personnalités qui viennent à nous, d’ailleurs nous avons eu tellement de ralliement que nous avons dû faire des choix quant à ceux qui figurerait sur nos listes, en leur demandant préalablement jusqu’où ils seraient prêts à s’engager », explique-t-il. Pascal Dessaint, lui, a souhaité ne pas être éligible par manque de temps, il sera donc en charge du comité de soutien.
« Un honneur d’avoir de telles personnalités sur sa liste »
Toutefois il reconnaît qu’en tant que figure du monde des arts, il détient une responsabilité, qu’il y a une attente particulière qui pèse sur ses épaules. Gérard Onesta lui a d’ailleurs demandé d’ouvrir le premier meeting du mouvement. Une sacralisation qui ne lui déplaît pas mais qui marque peut-être une volonté de mettre en avant les citoyens avant les politiques, en mal de reconnaissance de la part des électeurs. C’est également ce que ressent Marie-France Barthet, présidente de l’Université de Toulouse : « Onesta voulait des gens de la société civile et c’est pour cela qu’il est venu me chercher, personnellement ! » Outre sa volonté de rallier une liste de rassemblement, elle reste consciente qu’elle est la ‘’carte crédibilité’’ de la liste sur le domaine de l’enseignement et la recherche, nouvelle compétence de la Région. Pour elle, il s’agit d’une relation gagnant-gagnant. Anne-Marie Faucon, co-fondatrice des cinémas Utopia, a également été approché pour faire partie du mouvement : « C’est Régis Godec qui s’en est chargé ! » confie Gérard Onesta pour qui c’est « un honneur d’avoir de telles personnalités sur sa liste. »
Philippe Saurel : le pragmatisme de terrain
Le maire de Montpellier, Philippe Saurel, a l’ambition de créer une liste régionale sans l’appui de partis politiques. Ses candidats sont essentiellement des maires (la plupart sans étiquette) et des ‘‘citoyens’’. Ce type de liste se prête donc par excellence à recueillir des prises de guerre, des gens qui peuvent être attirés par le côté atypique de cette candidature. Il faut souligner également, que pour Philippe Saurel, trouver les 158 noms nécessaires pour constituer sa liste régionale, n’est pas une tâche facile. Il a rencontré les candidats un par un, a annoncé ses listes au compte-goutte (parfois même en deux fois sur certains départements). Dans ce contexte, chaque personne qui a rejoint sa liste, est presque une petite prise de guerre. Philippe Saurel a su attirer en Haute-Garonne, des personnalités importantes du monde économique, à l’image de Thomas Fantini, vice-président de la CGPME 31 et patrons des restaurants La Pergola. Il est également connu pour son engagement dans le milieu du rugby. La tête de liste affirme qu’il n’a pas fait de démarche pour rechercher tel ou tel profil : « J’ai réalisé ma liste comme on monte une équipe de foot. Viennent ceux qui le veulent, sans qu’on aille les chercher ! »
« Ils apportent cette plus-value, cette notoriété évidente »
Thomas Fantini connaissait la tête de liste départementale Mathilde Tolsan : « c’est elle qui m’a présenté le projet de Philippe Saurel », et par là même l’a convaincu de franchir le pas. « Ce qui m’a séduit chez Philippe Saurel ? Il souhaite mettre en avant les compétences réelles plutôt que les convictions politiques », précise le chef d’entreprise. A l’inverse, Sophie Iborra, autre caution bien connue du monde de l’entreprise et de la communication à Toulouse, a fait la première démarche : « J’ai rencontré Philippe Saurel lors d’un déjeuner professionnel et j’ai été interpellée par son discours », affirme-t-elle. « Pour la première fois de ma vie, je me suis sentie en totale adéquation avec une façon d’entrevoir le politique ! » C’est ainsi qu’elle justifie son engagement, en 5e position sur la liste. On note également la présence de Jean-François Audiguier, président du Club de la com en Midi-Pyrénées. « Nous connaissons le secteur, nous savons de quoi nous parlons, en ce sens nous sommes effectivement des cautions, nous apportons une crédibilité à cette liste », reconnait Thomas Fantini. « Ils apportent cette plus-value, cette notoriété évidente », ajoute Philippe Saurel, qui mène une campagne essentiellement basée sur la communication via la presse et les réseaux sociaux. Le candidat maire, qui a peu de temps et de moyens pour réaliser un travail de terrain, mise plus que jamais sur ses prises de guerre.
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