Braveheart. Alors que les socialistes toulousains savourent encore leur victoire inattendue aux élections départementales, le congrès PS qui se tient en juin prochain à Poitiers ravive les divisions. Quatre motions sont en lice et chacun doit choisir son camp… Tour d’horizon.
Par Coralie Bombail et Thomas Simonian
Les socialistes toulousains sont réputés pour être majoritairement à la gauche du parti. Mais il semble que les grandes figures locales se prononcent en majorité pour la motion A, la plus ‘‘proche’’ du gouvernement, et soutenue par le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis. Mais aussi par Martine Aubry … Les parlementaires socialistes du département, notamment, se positionnent tous en faveur de cette motion. Opportunisme ou pragmatisme ? Pour le député Christophe Borgel, les choses sont claires : « Le Parti socialiste n’est pas le premier parti de l’opposition, le texte de la motion A demande des inflexions sur un certain nombre de points au gouvernement, mais nous soutenons la majorité. Certains députés critiquent systématiquement et publiquement l’action gouvernementale, les militants ne comprennent pas. » Les ‘‘frondeurs’’, qui soutiennent la motion B, ont demandé un congrès de « la clarification », qui peut se résumer en un référendum ‘‘pour ou contre la politique (trop) libérale menée par François Hollande ?’’ « Mais ce ne sera pas le congrès que l’on attendait », regrette d’ores et déjà Pierre-Yves Schanen, élu à Ramonville qui soutient la motion B. « Ceux qui prônent le libéralisme doivent le dire clairement, mais le texte de la motion A est habile et brouille le débat », regrette-t-il. Effectivement, le texte proposé par Jean-Christophe Cambadélis a pris soin de ne pas être un plaidoyer ‘‘béni oui oui’’ du gouvernement. Ce qui lui a notamment permis d’obtenir le soutien précieux de Martine Aubry, et par conséquent de celui de nombreux élus toulousains membres de ce courant. Au premier rang d’entre eux, l’ancien maire de Toulouse, Pierre Cohen. « La position de Martine Aubry a clairement changé la donne au niveau local », estime Pierre-Yves Schanen. Quelles concessions, sur le fond, a fait la motion A pour tenter de rallier la gauche du parti ? « Nous demandons des inflexions sur trois sujets principaux : concernant le pacte de responsabilité, si les entreprises ne tiennent pas les engagements pris, il faudra que le reste de l’argent prévu pour financer ce pacte soit alloué à la création d’emplois ; nous demandons des efforts supplémentaires en matière d’investissement pour soutenir la croissance ; et nous attendons la mise en route d’une réforme fiscale », énumère Christophe Borgel, qui rajoute un dernier point, « la réorientation de l’Europe ». Bref, la volonté du consensus est bien palpable : « Nous voulons rassembler au sein du parti, et rassembler la gauche dans son ensemble pour bâtir un nouveau contrat de majorité, en particulier, avec les écologistes », espère le député socialiste.
« Il faut qu’ Hollande entende le PS ! » (J.P Makengo)
Même son de cloche du côté de Sébastien Vincini, patron du PS 31, et mandataire local de la motion A : « Je ne fais pas le pari de la défaite du gouvernement. Les frondeurs se trompent dans leur analyse du contexte actuel … L’électeur ne fait pas la différence entre un bon et un mauvais socialiste. Avec la volonté de rassemblement de cette motion, nous souhaitons peser sur la réussite du gouvernement. » Emmanuel Auger, secrétaire du PS toulousain, a lui choisi la motion D (« La Fabrique ») portée nationalement par la députée Karine Berger. Avec la ferme intention d’alimenter le débat : « J’ai le regret que Martine Aubry ne soit pas allée au bout de sa logique. Je pense que beaucoup de militants partagent cette opinion. Du coup la motion A va de Gérard Collomb à Martine Aubry, c’est donc un vrai fourre-tout idéologique … Nous devons retrouver dans ce parti le goût du débat, et c’est tout l’esprit de notre motion. Nous devons absolument éviter un simple affrontement entre pro-gouvernement et frondeurs, car cela ne serait en rien constructif. Une autre alternative est possible. C’est peut-être un peu utopique … » Dans cette logique d’ouverture vers d’autres chemins, il y a également une motion (« Osons un nouveau pacte citoyen et républicain ») qui n’est portée par aucun parlementaire : « On peut vouloir changer le parti sans être frondeur. Il y en assez de se faire guider forcément par des parlementaires, des cumulards voire des apparatchiks », nous confie son mandataire local, le conseiller régional Jean-Paul Makengo. Et d’ajouter : « Nous sommes une motion militante, la voix de la base. Il faut qu’ Hollande entende le PS ! Les réalités militantes doivent être prises en compte par nos instances dirigeantes. Nous proposons un nouveau contrat pour ce parti, un fonctionnement modernisé. »
A Toulouse, le premier fédéral du PS, Sébastien Vincini, bien qu’engagé sur une motion, sonne déjà le rassemblement pour l’après-congrès : « J’appelle à un débat serein entre nous, car nous sommes également en train de construire la pluralité de cette fédération. Le but est ensuite de tous nous retrouver pour gagner les combats de demain … » Car en effet le défi de ce congrès sera donc de ne pas offrir le spectacle du déchirement. Celui que le PS a trop souvent montré par le passé : «Ce congrès peut être apaisé, mais il faut que chacun fasse attention à ce qu’il dit… Certains de la motion B expliquent que la gauche au pouvoir d’aujourd’hui équivaut à la droite au gouvernement d’hier… » Apaisé vous dîtes ? Ce n’est pas gagné…
3 questions à Antoine Maurice
Président du groupe municipal EELV Toulouse
Suivez-vous la préparation du Congrès socialiste ?
Je le regarde de loin, car c’est toujours important de suivre ce que font nos partenaires éventuels. Peut-il permettre de changer la politique du gouvernement ? Non, je ne crois pas. J’ai l’impression que cela va être un nouveau congrès pour rien, duquel va émerger la même majorité déjà en place grâce à des jeux de rassemblements.
Pourtant la motion A ambitionne de bâtir un nouveau contrat de majorité, en particulier avec les écologistes… Qu’en pensez-vous ?
Bâtir un nouveau contrat, mais pour faire quoi ? Il a déjà été bâti en 2012, il n’a pas été mis en œuvre. L’enjeu serait de renouer ce contrat déjà construit sinon ce ne sera pas la peine d’envisager une alliance de parti sur une politique qui ne nous correspond pas. Le premier accord était déjà un compromis pour les écologistes. Il a été renié par le président et le gouvernement, alors je n’ai aucun espoir de quoi que ce soit sur le sujet.
De quelle motion vous sentez-vous la plus proche, en vue d’une éventuelle alliance avec les Verts ?
C’est difficile, j’ai du mal à me positionner. Ça se jouera entre la B et la C, mais aucune motion ne prend véritablement en compte les enjeux écologiques majeurs, comme la raréfaction des ressources naturelles. On assiste même à un recul car on constate que l’écologie disparait des écrans radars et devient une annexe à la politique proposée par les partis. Sur les questions économiques, on peut se retrouver dans la motion B (des frondeurs, ndlr), mais ça ne suffit pas.
3 questions à Pierre Lacaze
Secrétaire départemental du PCF 31
Quel regard portez-vous sur ce prochain congrès socialiste ?
Je m’y intéresse mais je trouve que ce congrès a moins d’enjeu depuis que Martine Aubry s’est ralliée à la motion A. Une motion soutenue par Manuel Valls qui veut en finir avec la gauche et le Parti socialiste. Sa ligne politique qui favorise la finance, notamment avec le pacte de responsabilité est un échec. Les chiffres du chômage sont là pour le prouver. Je m’attendais à un congrès qui rappelle ces échecs et qui réoriente le parti vers une autre politique.
Si la motion A l’emporte, pensez-vous qu’un rapprochement sera possible entre le PS et les communistes ?
Non, je suis un responsable communiste et pas un homme de synthèse ! Entre Valls et Aubry, c’est le grand écart. Il faut que le PS choisisse son camp : est-ce que le parti veut se rapprocher des Républicains de Nicolas Sarkozy ou des communistes et des Verts ? Jean-Christophe Cambadélis et Manuel Valls ne peuvent pas construire le rassemblement à gauche.
De quelle motion vous sentez-vous la plus proche ?
D’aucune ! Je suis le plus proche de la motion qui s’occupe des vrais problèmes, des difficultés des français, de celle qui réorientera le parti à gauche. Ce sont plutôt les frondeurs qui portent ces questions. Il faut affronter la finance qui est l’ennemi du monde du travail. L’issue de ce congrès sera très regardée par toute la gauche, mais il y aura des soubresauts d’ici juin. Je m’attends à des départs de militants car tout est fait pour ce congrès soit un congrès comme les autres.
Le +
Le Congrès, comment ça marche ?
Le Congrès du Parti socialiste définit l’orientation politique du parti. Il est organisé dans les 6 mois qui suivent l’élection présidentielle et au milieu du quinquennat. Le prochain se tient à Poitiers entre le 5 et 7 juin. Mais avant, les militants devront se prononcer par rapport aux quatre motions en lice, quatre textes qui défendent une tendance politique différente. Chaque motion est représentée par un ‘‘premier signataire’’ (Jean-Christophe Cambadélis pour la A, Christian Paul pour la B, Karine Berger pour la C et Florence Augier pour la D). Les premiers signataires des deux motions qui arriveront en tête lors du premier tour du vote interne (le 21 mai prochain) seront les deux candidats qui s’affronteront pour devenir le premier secrétaire du PS (second tour le 28 mai). Le congrès, par la suite, acte les nouvelles orientations choisies pas les militants.
Les quatre motions
La motion A, « Un renouveau citoyen » est le texte soutenu par le gouvernement, qui ambitionne de rassembler la majorité des socialistes.
La motion B, « A gauche pour gagner » représente l’aile gauche du PS, soutenue par ‘‘les frondeurs’’ dont les figures de proue sont les anciens ministres Benoit Hamon et Aurélie Filippetti.
La motion C, « Osons un nouveau pacte citoyen et républicain » est le texte qui se veut au plus près des militants et dénonce la fracture entre les cadres et la base du parti.
La motion D, « La Fabrique », se positionne comme l’alternative entre la voix du gouvernement et celle des frondeurs. Critique, mais pas trop.
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