Loyale. Présidente de la Commission des Affaires sociales à l’Assemblée nationale, Catherine Lemorton fut l’une des premières députées à travailler sur le projet de loi de réforme du Code du travail. Son principal objectif est aujourd’hui d’enrichir le texte pour améliorer le sort des salariés, en tenant compte des contraintes du marché de l’emploi.
Propos recueillis par Anne Mignard
Depuis plusieurs semaines, la rue réclame le retrait du projet de loi sur la réforme du Code du travail. Vous qui avez suivi l’évolution de ce projet, quel regard portez-vous dessus ?
Ce texte a été très mal amené par le gouvernement, sans concertation avec les partenaires sociaux, ni les parlementaires. Mais il fallait le faire. L’époque où l’on travaillait 42 ans dans la même entreprise est révolue. Aujourd’hui, il y a cinq millions de chômeurs en France et le patronat ne cesse de répéter qu’en raison de la rigidité du Code du travail, il ne peut embaucher. Nous avons donc choisi de dépoussiérer ce texte, modifié tant de fois qu’il en devenait illisible.
Justement, les manifestants vous reprochent d’avoir fait la part belle aux demandes du patronat. Que leur répondez-vous ?
Ils accusent la majorité de favoriser les accords d’entreprises plutôt que les accords de branche mais c’est faux ! Chaque année, plus de 150 000 ruptures conventionnelles sont signées par des salariés et leurs patrons. Pour quelle raison ? Ces ruptures cachent souvent des arrangements qui vont bien au-delà d’une incompatibilité et qui ne se font pas toujours au profit des salariés. Désormais, les accords d’entreprises devront être validés par les branches. Les syndicalistes ne font-ils pas confiance à leurs représentants nationaux pour tirer la sonnette d’alarme si ces accords se font au détriment des salariés ? Dans les très petites entreprises, grâce au projet de loi, les salariés pourront être représentés par un mandataire alors qu’auparavant personne ne pouvait parler en leur nom puisqu’il n’y avait pas de délégués du personnel. Et ça, laissez-moi vous dire que le patronat n’en veut pas, pourtant c’est dans le projet de loi.
“François Hollande a tenu ses promesses”
Pourtant, depuis plus de deux mois, ce projet de loi fait descendre des milliers de gens dans la rue ?
Le problème est que nous sommes en fin de mandat et que le projet de loi travail a canalisé tous les mécontentements et les déceptions des électeurs. Preuve en est que lorsque des manifestants ont envahi ma permanence, ils m’ont reproché les manquements de la politique de l’aide à l’enfance. Or, ce n’est pas l’Assemblée nationale qui gère cette politique mais le département. D’autres manifestants ne veulent même pas discuter. Maintenant, il faut faire passer cette loi dans l’urgence et faire face à la violence de certains.
Selon un sondage, 70% des Français sont contre le texte, mais l’ont-ils lu ? Le premier mai, je m’attendais à une déferlante dans les rues. C’était un dimanche, les salariés du privé pouvaient donc aisément participer aux manifestations, personne ce jour-là ne perdait de pouvoir d’achat. Pas de vague, juste le traditionnel défilé. Ils ont été plus d’un million à signer une pétition en ligne mais ne sont pas descendus dans la rue comme lors de la défense des retraites ou encore le CPE.
Ce projet de loi a aussi fait bouger les lignes au sein de votre majorité à l’Assemblée. Quid des frondeurs ?
Depuis le début de la mandature, notre majorité est fragile et les frondeurs en sont conscients. Cela leur permet de peser dans les décisions et de le faire savoir sur les plateaux télé. Mais à chaque fois, ils s’arrêtent à temps. Menacent mais ne passent jamais à l’action. Moi je me suis opposée à l’article sur la déchéance de nationalité. Je l’ai dit, annoncé et j’ai voté contre.
Sur le terrain, le nombre d’adhérents au PS est en chute libre, n’est-ce pas de mauvais augure pour les élections présidentielles et législatives de l’an prochain ?
Je ne suis pas inquiète. Lorsqu’on est au pouvoir, on fait forcement des mécontents et à chaque fois que le parti socialiste est au gouvernement, on perd des adhérents. Moi-même, je ne suis rentrée au PS qu’après l’échec de Lionel Jospin à la présidentielle de 2002. Lorsqu’on retournait dans l’opposition. Après je m’étonne de la réaction de certains. En 2012, au Bourget, François Hollande a dit : « mon ennemi c’est la finance », il n’a pas dit mon ennemi c’est l’économie de marché. Cette économie-là on l’a accepté lors du congrès de Reims en 2008. C’est d’ailleurs lors de ce congrès que Martine Aubry est devenue première secrétaire du PS. Elle n’y était donc pas opposée.
En 2012, chacun a voulu entendre ce qui lui faisait plaisir mais François Hollande a tenu ses promesses. Oui l’an prochain, les élections seront plus difficiles qu’en 2012 mais rien n’est perdu, au contraire ! Je suis fière du travail accompli à l’Assemblée, il y a la loi travail mais aussi la loi santé qui facilite l’accès à l’avortement, les paquets de cigarettes neutres qui annihilent toutes les campagnes de publicité des géants du tabac, la loi sur le cumul des mandats… Un passif que je ne manquerai pas de rappeler aux électeurs lors de ma prochaine campagne.
cv express :
Née le 20 juin 1961 à Amiens
Profession : pharmacienne
Fonction politique : députée PS de Haute-Garonne et Présidente de la Commission des Affaires sociales à L’Assemblée nationale
Signe particulier : n’a jamais voulu être ministre, elle dit préférer l’Assemblée nationale
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