EMPLOI. Alors que les derniers chiffres de Pôle Emploi sur le chômage en Midi-Pyrénées annoncent une hausse de 0.1%, l’intérim, premier indicateur de l’état du marché de l’emploi, est également en augmentation. Paradoxe expliqué par Bernard Petit, président régional de Prism’emploi et DG du groupe Toulouse intérim.
Bernard Petit, les demandeurs d’emploi augmentent de 0.1% en juillet dans la région. Quelle est votre analyse ?
Ce chiffre est paradoxal car, en parallèle, le travail temporaire progresse sur ce même mois, mais il est la preuve d’une certaine stabilité. Néanmoins, il est fort probable qu’au mois de juillet, un bon nombre d’entreprises n’aient pas mené une politique de recrutement mais aussi qu’elles n’aient pas embauché directement, passant par des agences d’intérim. De plus, durant ce mois estival, le commerce, le transport et l’industrie ont très bien fonctionné au détriment des services, secteur qui restait jusque-là porteur en matière d’emploi, et du BTP malheureusement en constante régression. Tout cela expliquerait l’évolution du travail intérimaire de +0.3% alors que le chômage augmente.
Plus en détail, on note 500 demandeurs d’emploi inscrits en catégorie A de moins. Cela signifie-t-il qu’ils ont basculé en catégorie B ou C et donc, ont eu une activité partielle ?
Cette explication est très plausible mais il ne faut pas oublier les personnes qui ne sont plus comptabilisées en catégorie A parce qu’ils sont arrivés en fin de droit ou de formation. La baisse des demandeurs d’emploi en catégorie A ne signifie donc pas forcément que ces personnes ont retrouvé du travail. Ils peuvent avoir eu recours à un travail à temps partiel, c’est pour moi l’analyse la plus sensée. Mais il faut apporter une nuance : 90% sont des CDD et 10% des contrats de travail temporaire. De plus, les mois estivaux restent propices au développement de ce genre de contrats puisque les salariés partent en congés et doivent être remplacés sur un temps défini. Les chiffres du mois d’août risquent d’être encore plus flagrants.
Quelle est la place de l’intérim ?
L’intérim est une variable d’ajustement qui permet aux entreprises de faire face à des commandes inhabituelles et de remplacer des salariés permanents. Paradoxalement, au mois de juin les entreprises ont eu plus recours au travail intérimaire qu’en juillet. L’explication est pourtant logique : nous avons noté une forte augmentation des commandes dans la région ce qui a amené les employeurs, désireux de livrer avant l’été, à fortement solliciter notre secteur d’activité. En revanche, par rapport à juillet 2014, nous sommes en progression de 0.3%. Depuis le début de l’année, c’est même une hausse de 1.4% que nous enregistrons. Pour information, le Languedoc-Roussillon est en progression de 10.7%, mais ils ne font que récupérer le retard accumulé pendant des années, pour se positionner à hauteur de Midi-Pyrénées.
C’est dans la catégorie des « employés » que sont enregistrées les plus fortes hausses en Midi-Pyrénées…
En juillet, les entreprises ont essentiellement eu recours à l’intérim pour recruter des employés (+13.9%) pour les raisons évoquées ci-dessus, les cadres et professions intermédiaires arrivant en second (+3.9%) et les ouvriers non qualifiés en troisième position (+0.6%). Par contre, le chiffre concernant les ouvriers qualifiés est passé en négatif (-5.4%).
« Si le secteur du BTP venait à rebondir, les chiffres seraient très différents et le chômage en nette diminution »
Quels sont les secteurs d’activité qui ont le plus souvent recours au travail intérimaire ?
Dans notre région, ce n’est pas une surprise, c’est l’industrie aéronautique qui soutient l’intérim, mais l’industrie généraliste n’est pas en reste (+1.6%), de même que le commerce (+9%) et les transports (+8.3%). Toutefois ces chiffres concernent encore le mois de juillet qui n’est pas représentatif de ceux du 1er semestre 2015. Ces derniers font état d’une utilisation dominante des intérimaires dans le commerce et les services, tandis qu’en juillet, les services justement étaient en recul de 3.7%. Sous oublier le BTP, toujours en retrait (-7.3%), ce qui reste problématique car, en Midi-Pyrénées, il n’y aurait pas un tel taux de chômage si le secteur du BTP retrouvait du dynamisme.
Aux vues des différents chiffres de ce mois de juillet particulier, selon les catégories, les secteurs d’activité… quelle est la photographie actuelle du marché de l’emploi ?
Le marché est stable, même si je n’y trouve pas de signes particuliers d’une vraie reprise. L’intérim est en hausse de 0.3% en un mois et le chômage ne progresse que de 0.1% en Midi-Pyrénées… Pas de quoi se réjouir prématurément mais cette stabilisation est déjà un premier pas car, si demain le secteur du BTP venait à rebondir, les chiffres seraient très différents et le chômage en nette diminution. Pour moi, tant que le BTP ne redémarre pas fortement, les autres secteurs d’activité comme le commerce et les services ne connaîtront pas une réelle progression.
Cette stabilisation vous rend-elle optimiste pour la fin de l’année, la sentez-vous durable ?
Cela fait 26 ans que je suis dans le métier et je pensais, en 2008, que la crise serait passagère… Cela fait 7 ans qu’elle dure ! Ainsi, j’espère que cette stabilité va durer car il ne faut surtout pas repartir à la baisse. Mais il est impossible aujourd’hui de faire des projections à plus d’un trimestre, la visibilité des entreprises étant tellement réduite. Cependant, je ne suis pas pessimiste car il n’y a pas de danger immédiat.
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